Tunisie. L’inquiétante opacité du milieu associatif islamique
Qui sont ces deux associations non gouvernementales qui ont bénéficié de l’intérêt et de l’intervention du gouvernement de Jebali en leur faveur ? Et quels sont les critères adoptés par le gouvernement pour faire le tri entre le millier d’associations caritatives existantes afin de choisir les deux perles rares qui bénéficieront des largesses du Qatar ? Pour répondre à ces questions, nous présentons ci-dessous le parcours des deux associations.
Tunisia Charity, le social religieux
La première, Tunisia Charity, est une association caritative non gouvernementale créée le 28 avril 2011 par Abdelmonem Daimi le frère d’Imed Daimi (porte-parole, député et président du groupe parlementaire du CPR), basée à Medenine.
L’association a financé les projets suivants :
-Diverses opérations au profit des réfugiés libyens à partir du 5 Mai 2011 dans les camps de Tataouine et Medenine (distribution de vêtements, circoncisions, aires de loisir, santé…)
-Le couffin de Ramadan 2011 au profit de 1 600 familles (45 000 dt).
-Les moutons de l’Aid El Kbir, Novembre 2011, au profit de 600 familles (100 000 dt).
-Les besoins de la rentrée scolaire 2011 au profit de 200 familles (10 000 dt).
Les sponsors ou associés cités par l’association sont tous des ONG islamiques basées en Grande-Bretagne ou en Arabie Saoudite (Human Appeal, WAMY, Islamic Relief). Notons que l’association des Scouts tunisiens prête ses locaux pour la collecte et stockage des dons.
Une association pro Ennahdha
La deuxième association est l’Association tunisienne de coopération et de communication sociale. Elle a été créée le 4 octobre 2010 par Mohamed Nejib Karoui (fils de Hamed Karoui ancien Premier ministre de Ben Ali de 1989 à 1999), connu pour sa sympathie pour le parti Ennahdha. Son siège est à Sousse avec des bureaux régionaux à Gabés, Tataouine, Bizerte, Mahdia, Sidi Bouzid, Ben Arous, Monastir et Tunis.
Outre la gestion de camps de réfugiés, l’association a financé des caravanes d’aide, des cartons alimentaires pendant le mois de Ramadan et fourniture de moutons de l’Aïd pour 191 familles, des trousseaux de mariage et frais de circoncision, des rentrées scolaires et parrainages d’orphelins.
Seul mécène étranger associé que nous avons pu identifier ici, une ONG islamique basée aux USA (HHRD).
Tendance islamique avérée
De ces parcours, il ressort essentiellement que les organisations internationales auxquelles ces associations sont associées sont toutes de tendance islamique.
En dépit de leur jeune âge, ces associations ont pu d’une part investir plusieurs régions du pays, et d’autre part, elles ont bénéficié d’un financement important estimé par nos soins à plus de 200 000 dinars pour chaque association.
Étant donné que les sponsors internationaux cités n’ont financé que le volet aide aux réfugiés libyens et gestion des camps, nous nous demandons comment des associations aussi jeunes et sans aucune expérience ont pu financer leurs actions.
Les actions menées par les deux associations rappellent étrangement les actions menées par Ennahdha ou qui lui sont attribuées (circoncisions, mariages, couffins de ramadan, moutons d’El Aid, etc.)
Absence flagrante d’appels d’offres
Il est clair que le gouvernement a privilégié des associations qui lui sont proches et qui, vraisemblablement, lui ont rendu service par le passé. De ce fait, il a lésé les autres associations qui étaient déjà sur le terrain du temps de Ben Ali et qui se sont démenées pour subsister. Il a également lésé les nouvelles associations caritatives nées après le 14 janvier, à court de financement.
Quant à l’Association de Bienfaisance Qatari, fondée en 1995 par le Cheikh Eid Ben Mohamed, elle apporte une aide humanitaire, de bienfaisance et de secours aux pauvres et aux sinistrés et participe également à la construction d’écoles, hôpitaux, mosquées et centres de mémorisation du Coran pour les communautés Islamiques. Cette Association a participé à l’organisation d’un mariage collectif de 440 couples Yéménites, le 11 janvier 2012.
Nous nous interrogeons aussi sur le silence des ministres CPR et FDTL qui étaient présents lors de la signature de ces accords ? Ne sont-ils pas conscients de la dérive que cela représente ? Ces méthodes opaques ne sont-ils pas un moyen idéal pour potentiellement financer le cas échéant l’achat des voix en vue d’une prochaine campagne électorale ?
Ce genre de procédés ressemble fortement aux méthodes utilisées par Ben Ali pour assurer sa main mise sur le pays. Or, les électeurs d’Ennahdha attendent que le parti opère une rupture avec le passé.
Le gouvernement aurait pu procéder en toute transparence, en incitant l’ONG Qatarienne à faire un appel à financement de projets comme le font toutes les ONG internationales.
Les appels à projets, gérés généralement par des organismes bancaires ou des ONG, proposent aux associations de la société civile de présenter leurs projets, lesquels passent ensuite en comité pour sélection.
Dans le cas des deux associations Tunisia Charity et l’Association tunisienne de coopération et de communication sociale, ces procédures ont été totalement éludées par le gouvernement de Jebali.
Hassen Ben Hamida