Tunisie. Journées nationales du patrimoine judéo-tunisien, une expo militante
Inauguration hier vendredi au Club Tahar Haddad des Journées nationales du patrimoine judéo-tunisien, une initiative de l’association Dar El Dhekra, sous l’égide de la présidence de la République, et qui se poursuivra jusqu’à demain dimanche 13 mai où est attendue une pléiade de VIP représentant la diaspora juive-tunisienne dans le monde. Décryptage des enjeux d’une expo courageuse et militante, une première en Tunisie.
Il n’y a pas eu foule hier vendredi après-midi devant le Club Tahar Haddad où s’ouvraient les Journées nationales du patrimoine judéo-tunisien. La discrète mais visible présence policière aux abords de l’endroit (quelques policiers anti-émeute) venait rappeler, si besoin était, que le risque sécuritaire était bien présent.
C’est que dans le contexte post révolutionnaire d’une parole antisémite libérée parmi d’autres paroles, organiser pareille manifestation culturelle relève de l’acte de bravoure politique.
Gilles Jacob Lellouche, un personnage haut en couleurs
C’est ce que confirme Jabob Lellouche, l’un des principaux organisateurs, initiateur de l’idée qui se concrétisait hier. Lorsque nous l’interrogeons sur son avenir politique, celui qui s’était présenté sous l’étiquette UPR aux dernières élections nous répond avec son franc-parler habituel : « C’est maintenant aussi, ici-même, que je fais de la politique ! ». Une façon de suggérer que donner à voir une Tunisie plurielle est une forme d’activisme culturel et politique à la fois.
L’exposition, inédite dans son genre et son contenu, entendait mêler la présentation au public d’un patrimoine d’une rare richesse, décliné sous plusieurs formes : objets d’art séculaires, peintures, photographies, habits d’apparat, et même un hommage simple aux juifs-tunisiens au rayonnement international, avec une mise à l’honneur de quelques-unes de leurs œuvres littéraires notamment.
Interrogé sur la pertinence du timing de l’expo, Lellouche affirme que les Tunisiens ont plus que jamais besoin de revisiter la diversité qui caractérise leur histoire. Il prétend en revanche qu’il a « voulu faire une expo sur le patrimoine tunisien dans sa globalité », réfutant indirectement qu’il s’agit d’une expo exclusivement juive.
Il est vrai que l’affiche elle-même ne contient aucune allusion au caractère « juif » du patrimoine en question. Souci sécuritaire ou une façon d’y attirer le plus grand nombre ? En réalité, le maître-mot de la rhétorique de Lellouche semble être l’assimilation.
Une volonté d’assimilation qui va si loin qu’elle lui a fait se mettre à dos nombre d’associations juives de France, la démarche de la plupart des juifs-tunisiens de France étant différente de la sienne, selon son propre aveu.
En plus d’être un bon vivant hédoniste comme l’illustre l’ambiance qui règne chez Mamie Lily, son restaurant de la Goulette, l’homme est en effet considéré comme un nationaliste avec quelques penchants chauvins, en apôtre de la spécificité et de l’identité tunisiennes avant tout.
Il s’agit donc de mettre d’abord l’accent sur les interférences culturelles traversant cette identité. Un premier pas en quelque sorte vers une pédagogie de la tolérance, à défaut de pouvoir verser dans l’universalisme.
Coïncidant avec le pèlerinage de la Ghriba à Djerba, 10 ans après le sanglant attentat de 2002 qui avait fait 21 morts devant la synagogue historique, ces journées seront couronnées dimanche par une table ronde évènement à laquelle sont conviés quelques intervenants célèbres dont Serge Moati et Nouri Bouzid.
Seif Soudani
Reportage photo 1 (Photos Sahar Benalaya) :
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Reportage photo 2 (Photos Seif Soudani) :
https://www.facebook.com/media/set/?set=a.455011674512789.116885.120372914643335