Tunisie. Interview de Karima Souid, élue France-Sud du parti Ettakatol
Karima Souid, du parti Ettakatol, a été élue à l’assemblée constituante en octobre dernier. Alors que le président vient d’être nommé, l’élue France-Sud planche actuellement avec ses collègues sur le futur de la Tunisie. De Tunis, elle répond à nos questions.
CDLA : Que faites-vous concrètement depuis que vous avez été élue le 23 octobre dernier ?
Karima Souid : Depuis mon élection sur la liste du parti social-démocrate Ettakatol pour France 2, je me consacre exclusivement à mon mandat de députée à l’Assemblée Nationale Constituante (ANC). Je participe à la réflexion, avec mes collègues députés, sur les textes en cours de rédaction par les commissions. Notre groupe parlementaire se réunit très souvent et les journées d’assemblée générale au sein de la constituante défilent.
Mais cela ne nous empêche pas de garder le contact avec les citoyens, c’est primordial. Il y a une inquiétude légitime chez la société civile quant à l’avenir du pays. J’essaie de maintenir, de mon mieux, un contact permanent avec le citoyen. L’informer, le rassurer, mais surtout prendre en compte l’ensemble de ses préoccupations pour en faire écho à l’ANC.
Qu’est-ce qui a réellement changé depuis les élections ?
Après moins d’un mois de travail, l’assemblée a déjà concrétisé un certain nombre de ses objectifs prioritaires : adoption d’une loi de répartition des pouvoirs pour la période de transition, élection d’un président de la République et nomination d’un Chef de Gouvernement.
Ceci est très important car, pendant 10 mois, nous avons eu un pouvoir affaibli en raison de la contestation de sa légitimité, puisqu’il était issu d’un consensus entre des composantes de la société civile et du paysage politique. Grâce aux travaux de l’ANC, nous avons aujourd’hui un pouvoir élu, issu d’une majorité parlementaire, avec des attributions pour chacun des responsables.
Nous allons rédiger une constitution qui garantira les libertés fondamentales, individuelles et collectives. Basée sur un Etat de droit et des institutions solides pour entamer les réformes économiques et sociales nécessaires pour tous.
Que va-t-il se passer pour les Tunisiens de France? Y a-t-il des propositions à leur égard qui sont aujourd’hui à l’étude?
Le vote de l’article de loi prévoyant des critères d’éligibilité du président de la République pour la période transitoire et certaines réactions de députés sur la bi-nationalité et l’utilisation de l’arabe littéraire, nous ont laissés un goût amer. Les citoyens à l’étranger et les binationaux ne sont pas considérés par tous comme des citoyens à part entière et leurs spécificités ne sont pas prises en considération.
Avec Sélim Ben Abdessalem, mon collègue Ettakatol France 1, nous allons nous battre pour que la perception des Tunisiens à l’étranger change. La citoyenneté est indivisible, les droits et devoirs des citoyens doivent être les mêmes pour chaque Tunisien, sans discrimination. Il n’y a pas de « demi-citoyen » : on est citoyen ou on ne l’est pas. Notre constitution doit consacrer l’égalité entre ses citoyens. Les Tunisiens à l’étranger ne doivent plus être seulement considérés comme une source de revenus en devises…
Enfin, on a beaucoup entendu parler d’alliance entre les partis d’opposition et Ennahdha, est-ce une réalité ? Doit-on s’inquiéter d’un affaiblissement de l’opposition tunisienne au profit du parti majoritaire?
Aujourd’hui, nous sommes dans une coalition gouvernementale d’intérêt national avec Ennahdha et le CPR. Nous essayons d’œuvrer pour le bien du pays et des citoyens en bonne intelligence, malgré certaines divergences dans les programmes politiques et les projets constitutionnels.
Avec le temps, si nous estimons que les autres partis de cette coalition ne respectent pas les principes de base ou se détournent des valeurs de la révolution, nous n’hésiterons pas à en sortir.
Le projet constitutionnel ne fait pas partie de l’accord tripartite du gouvernement de coalition dans la mesure où chaque parti défendra son propre projet. Nous sommes donc bien dans un cadre de coalition et non d’une alliance, puisque nous ne portons pas de projet constitutionnel commun avec le CPR et Ennahdha.
Propos recueillis par Jonathan Ardines