TUNISIE. 67 intellectuels alertent l’opinion Un manifeste au ton grave et ferme
Le ton est ferme et inquiet. 67 intellectuels tunisiens publient ce 2 juin un manifeste qui alerte l’opinion au sujet du devenir du projet démocratique en Tunisie.
Le manifeste estime que « l’horizon que la révolution tunisienne a ouvert est en train de s’obscurcir » et que la situation inspire de grandes inquiétudes.
Selon eux, « les menaces » sont dues « aux violations délibérées des principes mêmes de la démocratie naissante » par Ennahdha essentiellement, avec la caution implicite ou explicite des deux autres composantes de la majorité gouvernementale.
Après avoir espéré que ce mouvement, Ennahdha, « pouvait être porteur d’une conception démocratique inspirée par l’Islam », les Tunisiens selon eux doivent déchanter. L’objectif de ce mouvement est d’imposer la norme religieuse au pays, en utilisant tous les moyens. Et au final de « mettre en place un ordre juridico-religieux antagonique à celui de l’Etat ».
La Tunisie, rappellent les signataires, est un pays où la modernisation a commencé très tôt, dès le 19è siècle, ce qui est une exception dans le monde arabe. C’est l’accumulation des principes émancipateurs et réformistes qui a rendu possible la révolution de janvier 2011. Le projet d’Ennahdha est donc une contre-réforme qui vise à « rattacher la Tunisie à l’aire de l’islam salafiste, où foi et norme, religion et droit se confondent au détriment de l’Etat civil ».
Les signataires dénoncent : « Il est clair qu’Ennahda, qui détient tous les ministères de souveraineté, organise la défaillance de l’autorité de l’Etat dans le but de créer un climat d’insécurité pour intimider ceux qui s’opposent à ses visées hégémoniques. »
Le Manifeste pointe également du doigt la responsabilité des deux autres composantes de la majorité gouvernementale, CPR et Takattol et à leur tête les présidents Marzouki et Ben Jaâfar. Il conclut sur le constat d’émiettement de l’opposition en estimant qu’il s’agit d’une menace supplémentaire concernant l’avenir de la démocratie dans le pays.
Cette initiative reflète l’inquiétude et la défiance d’une grande partie de l’élite intellectuelle, économique et artistique de la Tunisie vis-à-vis de la situation du pays, de la transition actuelle et des gouvernants provisoires.
De grands noms figurent parmi les signataires : Ali Mezghani, Fethi Benslama, Raja Benslama, Abdelwahab Meddeb, Abdelmajid Charfi, Slim Laghmani, Cherif Ferjani, Moncef Benabdeljalil, Souhayr Belhassan, Meryem Bouderbala, Sophie Bessis, Faouzia Charfi, Khedija Cherif, Samy Ghorbal, Fadhelk Jaziri, Taoufik Jebali, Habib Kazdaghli, Feryel Lakhdhar, Emel Mathlouthi, Hamadi Redissi, Neila Sellini, Mohamed Sghair Oulad Ahmed et Saâd Eddine Zmerli.
Boujemâa Sebti
Pour signer le manifeste:
http://www.petitions24.net/manifesteintellectuelstunisiens-fr