Tunisie – Indignation après le vote contre la limitation de la durée du mandat de la Constituante

 Tunisie – Indignation après le vote contre la limitation de la durée du mandat de la Constituante

Dans l’opposition progressiste

Les élus de l’opposition n’ont pas de mots assez durs contre la prolongation sine die des travaux de l’Assemblée constituante, au-delà de la durée d’un an à laquelle s’étaient pourtant engagés deux des partis de la troïka majoritaire.

En votant majoritairement hier mercredi contre la limitation à un an (plus 6 mois au besoin) du mandat de l’Assemblée nationale constituante, à 153 membres pour, 39 contre et 7 abstentions, les élus d’Ennahdha et d’Ettakatol ont balayé d’un revers de main leurs engagements pré électoraux.

Si le CPR de Moncef Marzouki avait été le seul grand parti à ne pas avoir signé, à la mi-septembre,  le texte de la Déclaration de transition démocratique, les deux autres partis de la majorité fraîchement élue s’étaient entre autres solennellement engagés à  : «S’accorder pour que la durée d’exercice de l’assemblée constituante ne dépasse pas  une année au maximum, pour que le pays se penche sur les affaires importantes, surtout au niveau social et économique », selon le 3ème point du texte.

Le texte était certes non contraignant, mais tous ses signataires avaient déclaré sur l’honneur qu’ils s’y tiendraient. En n’en faisant qu’à leur tête aujourd’hui, ces partis mettent le pays sur la voie de l’inconnu. Pour plusieurs observateurs qui s’en indignent, ceci ouvre la voie vers d’autres abus, d’autres dérives anti démocratiques, annonçant potentiellement un règne autocratique.

« Un jour noir pour la démocratie »

Dans l’opposition progressiste, certaines voix s’élèvent même pour dénoncer une dictature d’Assemblée, qui se détourne déjà de sa tâche première : rédiger au plus vite une Constitution.

Lors de la pause suivant le vote, Issam Chebbi du PDP, visiblement furieux, a déclaré : « Qu’on leur repasse la séquence filmée au Palais des Congrès lorsqu’en septembre, pour rassurer les gens, ils nous disaient que la durée ne dépasserait pas un an, en présence d’Yadh Ben Achour. Maintenant qu’ils sont élus, ils nous disent que délimiter la durée ne serait pas nécessaire ». « C’est un jour noir pour la démocratie » ajoute-t-il, désemparé.

Plus tard, Ahmed Néjib Chebbi a fustigé « l’attitude arrogante de la Troïka », et l’a accusée de « commettre un coup d’Etat contre la volonté du peuple ». En cause selon lui, la vitesse avec laquelle la coalition a imposé ce vote à l’Assemblée, déjà prise par « l’ivresse du pouvoir. »

Dans un communiqué rendu public aujourd’hui jeudi, Le Pôle Démocratique Moderniste condamne quant à lui ce qu’il considère être « le monopole des trois partis majoritaires dans la prise de décisions au sein de l’Assemblée ».

C’est qu’Ennahdha souffle effectivement le chaud et le froid au Bardo depuis peu. Après avoir envoyé des signaux positifs en ayant rassuré l’opinion s’agissant du vote pour que le Code du statut personnel soit au rang des lois fondamentales, voilà que le parti islamiste semble faire fi de la durée d’un mandat pourtant décisif pour la stabilité du pays.

Seif Soudani