Tunisie – Importantes précisions de L’Instance Supérieure Indépendante des Elections
Nous revenions hier sur le climat d’incertitude qui prévaut en Tunisie face au très faible taux d’inscription aux listes électorales. Le fait que l’Instance Supérieure Indépendante des Elections tenait à réagir aujourd’hui, sous pression et au pied du mur à 4 jours de la fin (officielle) des délais d’enregistrement, ne doit sans doute rien au hasard. Face à la multiplication des rumeurs et des questionnements, Kamel Jandoubi, président de l’ISIE a donc convoqué presse et médias pour clarifier les choses lors d’une conférence très attendue qui aura tenu ses promesses.
A ses côtés, Monia Abed, membre de l’ISIE chargée des affaires juridiques et très sollicitée aujourd’hui pour expliciter nombre d’aspects techniques, elle qui était surtout venue apporter des précisions autour du statut d’observateur des élections du 23 octobre prochain. « Experts ne veut pas dire qu’ils ont acquis leur expertise durant les simulacres d’élections durant l’ancien régime » a-t-elle tenu à préciser, en rappelant que l’ISIE est dans une logique de totale rupture, voire de tout bâtir à partir du néant, le pays n’ayant jamais eu à gérer des élections libres par le passé, hors des services politiques du ministère de l’Intérieur.
Premier point évacué d’emblée par Jandoubi, le bilan « très en deçà des espérances de l’Instance » : 1.350.000 d’électeurs inscrits à ce jour malgré l’accélération observée du rythme des inscriptions, c’est le chiffre très attendu qu’il avança, soit seulement 16% des 7,5 millions d’électeurs potentiels. Autre détail décevant pour le chef de l’ISIE, la participation féminine qui ne dépasse pas 20% du total des inscriptions. La tranche d’âge la plus représentée aux enregistrements serait quant à elle celle des 40 – 50 ans.
Face à ce constat d’échec, l’instance a décidé d’une série de mesures destinées à booster l’affluence vers les bureaux de vote. Une des mesures phares est la possibilité de s’inscrire par courrier électronique via le site de l’ISIE. Le choix des bureaux de vote pour le jour J serait lui aussi en passe d’être proposé électroniquement.
Attendu au tournant sur la probabilité d’une extension des délais d’inscriptions, il s’est contenté de dire que cela était à l’étude, que ce n’était pas exclu, et que ce sera déterminé par le taux final d’inscriptions au 2 août prochain.
Autre aspect dont nous parlions déjà hier en exclusivité, la possibilité pour tout citoyen muni d’une carte d’identité nationale de pouvoir voter le 23 octobre. Plusieurs journalistes et représentants de la société civile présents ont interpellé Jandoubi lors de la séance questions – réponses sur cet aspect précis, tout en rappelant qu’il s’agissait là d’une demande pressante de plusieurs partis politiques face au désintéressement des citoyens par rapport au processus d’inscription. Le président de l’Instance a confirmé que cette possibilité est bien légale et que personne ne pouvait empêcher un citoyen tunisien, même non inscrit, de voter, à moins de non-conformité au regard de la loi de sa pièce d’identité ou de son statut d’électeur.
Dans la foulée, il a rappelé sur un ton ferme qu’il fallait absolument « rompre avec cette mentalité d’assistés, consistant à attendre tranquillement sa carte d’électeur par la poste », « le vote est une question de responsabilité citoyenne, c’est un droit qu’il faut arracher, ce n’est pas une faveur que l’on fait à L’ISIE qui n’a aucun agenda autre que celui de faire réussir les élections de la Constituante » a-t-il insisté.
Visiblement très irrité par certaines critiques qu’il a jugées injustes vis-à-vis du fonctionnement de son instance, il a terminé la conférence sur une longue tirade, très remonté face à ce qu’il a qualifié d’ « enfantillages », en rapport avec diverses intox, provenant de médias selon lui malhonnêtes, ayant fait circuler des bruits d’insatisfaction de certains observateurs étrangers déjà inquiets du manque de transparence de l’ISIE.
Une représentante américaine de Carthage Center, organisation de supervision des élections toujours en attente d’accréditation, était même présente pour démentir qu’ils aient émis un quelconque rapport en ce sens.
Il a fini par déplorer, furieux et combatif, l’impatience de certains de ses détracteurs, insistant sur le fait que le pays ne dispose pas de cadres compétents au-dessus de tout reproche ou avec une virginité politique absolue s’agissant de leur non appartenance à l’ancien régime. « Cela n’existe pas » a-t-il martelé. « Il faut accepter cette Tunisie d’aujourd’hui, certes imparfaite, mais sur la bonne voie » a-t-il ajouté, rappelant les pratiques du RCD ex parti au pouvoir exigeant une allégeance de la part de la quasi-totalité des cadres supérieurs du pays.
S.S.