Tunisie – Hergla momentanément prise en otage par des affrontements entre locaux et salafistes


 

C’est la radio Shams FM qui a la première avait révélé l’information le mardi 6 septembre en début d’après-midi, alertée par des habitants locaux de Hergla, ville côtière à moins de 100km de la capitale Tunis : des éléments salafistes avaient coupé tous les accès menant à la ville, barrant la route aux automobilistes.

En l’absence de forces de l’ordre en grève ayant abandonné la ville, celle-ci se trouvait en état de siège et a connu diverses exactions et affrontements entre des salafistes locaux et des habitants dont certains, en détresse, n’ont cessé de demander aide et secours aux autorités locales, visiblement impuissantes durant trop longtemps, tandis que d’autres essayent de riposter avec des fusils de chasse (2 blessés ont été recensés).

Deux maisons ont en outre été incendiées, au motif que les propriétaires des lieux s’adonnaient à de la vente d’alcool au noir. Dans leur même mission autoproclamée de « restaurer l’ordre » et se faire justice divine par eux-mêmes, les fauteurs de trouble ont par ailleurs saccagé le mausolée d’un saint local dont le culte constituait selon eux une atteinte à leur conception de la religion islamique.

Des habitants de la ville nous ont confirmé avoir été témoins de barrages d’intégristes armés d’armes blanches et de troubles ayant duré toute la journée.

Les lignes téléphoniques locales semblaient saturées, les services de police y sont tout bonnement injoignables à cette heure. Contacté par la rédaction du Courrier de l’Atlas, le chargé des affaires politiques au gouvernorat de Sousse confirme les faits, tout en niant que le siège de la ville se poursuit à l’heure qu’il est. Des infos plus précises nous ont finalement été données par les autorités locales de Hergla (délégation) : d’importants renforts de police sont arrivés mercredi matin, une unité protège la délégation et un important dispositif policier est actuellement déployé dans la ville.

Voici ce que nous avons pu reconstituer comme fil des événements après plusieurs témoignages qui se recoupent :

Tout a commencé lorsque les gendarmes ont quitté les lieux, mardi 6 septembre au matin, en solidarité avec leurs amis grévistes de Tunis (le QG de la sûreté intérieure de Hammam Sousse ne répondait d’ailleurs à nouveau au téléphone que jeudi), laissant la ville livrée à elle-même.

Selon des témoins, des dizaines d’intégristes salafistes s’en sont d’abord pris à certains quartiers déjà ciblés par le passé par des descentes de police, notamment un vendeur connu d’alcool au noir, en se regroupant devant chez lui. Il a riposté au fusil, faisant deux blessés parmi les passants. C’est à ce moment qu’il fut contraint à fuir et à abandonner ses deux maisons qui furent brûlées en représailles dans la foulée.

 

Afin d’anticiper la venue de forces de l’ordre, et voulant le capturer eux-mêmes, des barrages de fortune (certains étaient gardés) furent bien installés par des salafistes aux abords de la ville de Hergla, ne laissant plus entrer ni sortir, passants et automobilistes pendant au moins 18 heures, menaçant certains à l’arme blanche.

Quant à la population, une partie des habitants (des jeunes surtout) avait pris fait et cause pour la victime de l’incendie, et il y a eu des rixes entre eux et les salafistes. Ceux qui n’avaient rien à voir avec tout cela étaient bien paralysés et ne sont pas allé travailler, reclus chez eux, jusqu’à la venue de renforts sécuritaires le lendemain (des centres d’appel locaux nous ont confirmé par exemple de nombreuses absences le 7 septembre en rapport avec la situation à Hergla).

Depuis le retour à la normale et l’arrivée d’unités de la BOP, c’est les recherches se concentrent non pas sur les salafistes mais sur le fugitif ayant utilisé son arme selon certains par réflexe d’auto-défense.

Seif Soudani