Tunisie. « Ennahdha est un parti laïc », accusent des salafistes
Parfois à mots couverts, parfois d’une manière explicite, plusieurs pages salafistes tunisiennes sur FB appellent au boycott des élections. Leurs disciples sont invités à ne pas « se compromettre » dans le jeu démocratique, qualifié de grande « mécréance ». Et, ajoutent-elles, surtout ne pas voter Ennahdha, « ce parti laïc, dans un emballage islamique », destiné à tromper les vrais croyants. Ces fatwas sont consultables sur les pages salafistes de Facebook ou sur des forums salafistes internationaux bien connus.
Comme exemple, nous avons choisi cette fatwa toute récente d’un cheikh salafiste mauritanien, Abou Mondher Chenguiti, publiée sur le forum Attawhid wal jihad.
Question : est-il licite de vote Ennahdha pour les prochaines élections ?
Le cheikh se lâche. « Ceux qui croient qu’on peut voter Ennahdha, ou que l’on peut simplement participer aux élections sont, dans le meilleur des cas, des ignorants ». Ils ignorent ce qu’est la « démocratie et ses méfaits », car la démocratie, Dieu nous ne préserve, est un « un système associationniste » (qui associe d’autres souverainetés à Dieu, ou polythéiste), qui a la prétention de « donner la souveraineté au peuple », alors que la souveraineté « est un attribut divin ».
Je lis sa longue réponse, et j’ai vraiment l’impression de le voir hurler.
Le cheikh-qui-sait-tout a du mal à contenir son indignation.
« Ennahdha est un parti laïc », accuse-t-il sans rire.
Les partisans d’Ennahdha ne sont « qu’une variété de laïcs », explique notre éminent zoologue. Il rappelle que Rached Ghannouchi a osé déclarer que l’application de la charia ne signifie pas la mise en œuvre des châtiments corporels, mais l’instauration de la « justice ». « Comme s’il pouvait y avoir une autre justice que celle de Dieu ».
Le vénéré cheikh explique que charia et démocratie sont incompatibles, et pour une fois, il a parfaitement raison.
Il énumère la longue liste des compromissions d’Ennahdha : mixité, statut de la femme, dhimma, châtiments corporels, apostasie…
Il faut boycotter les élections, conclut-il.
Merci, je dois dire.
Soufia Limam