Tunisie – Élections : quels enseignements à l’issue de l’annonce des résultats partiels ?

Ce sont des membres représentants de l’ISIE sous pression qui sont apparus ce mardi soir vers 17h00 heure locale, au pied du mur pour « donner quelque chose » au peuple et aux médias dont la patience arrive à terme, au bout de 48 heures de cafouillages, ponctuées par une série de reports d’annonce des résultats et autres jeux de rumeurs et de démentis. Comme prévu, la domination d’Ennahdha se précise, même si les résultats annoncés ne représentent que 25% des sièges de la future assemblée Constituante.

C’est donc après quasiment une heure de retard que Boubaker Bethabet, secrétaire général de l’ISIE, a annoncé au Palais des Congrès de Tunis les premiers résultats partiels officiels concernant les élections de l’Assemblée Constituante pour les cinq circonscriptions de Jendouba, Sfax1, Sfax 2, Kebili et Sousse. C’est le parti islamiste Ennahdha qui est en tête dans les 4 villes concernées. Elles permettent de dégager un certain nombre de tendances et se présentent comme suit :

Jandouba (8 sièges) :

– Ennahdha (33 136 voix) : 2

– Al Aridha Chaabia (12 433 voix) : 1

– Ettakatol (8 267 voix) : 1

– PDP (6 388 voix) : 1

– CPR (5 616 voix) : 1

– Annidhal Al Ijtimaî (4 749 voix) : 1

– Mouvement des Démocrates Socialistes MDS (3 599 voix) : 1

Sfax 1 (7 sièges) :

– Ennahdha (66 402) : 3

– CPR (14 302 voix) : 1

– Al Aridha Chaabia (11 184 voix) : 1

– Ettakatol (6 884 voix) : 1

– Al Badil Athawri (5 306 voix) : 1

Sfax 2 (9 sièges) :

– Ennahdha (81 816 voix) : 4

– CPR (21 126 voix) : 1

– Al Aridha Chaabia (18 664 voix) : 1

– Sawt al Mostakil (18 432 voix) :1

– Ettakatol (13 032 voix) : 1

– Afek Tounes (5 304) : 1

Kebili (5 sièges) :

– Ennahdha (28 041) : 2

– CPR (19 456 voix) : 2

– Al Aridha Chaabia (2 809 voix) : 1

Sousse (10 sièges) :

– Ennahdha (86 190 voix) : 4

– L’Initiative (52 573 voix) : 2

– CPR (12 626 voix): 1

– Al Aridha Chaabia (12 160 voix) : 1

– Ettakatol (10 051 voix) : 1

– PDP (7 519 voix) : 1

Ennahdha, proche des 40% des voix

Premier enseignement majeur : Ennahdha mène partout, avec un taux élevé en termes de pourcentage des votes, avoisinant davantage les 40 que les 30% initialement pressentis. Ainsi, avec 15 sièges sur les 39 concernés par la conférence de presse, Ennahdha en remporte 38.5%.

Deuxième enseignement majeur et plus surprenant : si Ennahdha était grand favori dans les villes du sud de Kebili, Sfax et le nord-ouest défavorisé de Jandouba, il en était autrement pour la ville touristique de Sousse, 3^ème centre économique du pays. Cette véritable capitale du tourisme tunisien, en basculant dans le conservatisme islamique, bouleverse les pronostics qui la donnaient pour acquise à la cause laïque. A en croire les premières fuites en provenance de Monastir, fief  traditionnel du bourguibisme, cette ville voisine serait en passe de connaître le même résultat, avec Ennahdha outsider qui aura chassé avec succès en des terres qu’on lui croyait hostiles.

Les troisième et quatrième enseignements concernent le Congrès Pour la République et la « Al Aridha Chaabia ». Le premier, appelé aussi communément le parti de Moncef Marzouki, était en position de challenger partout en Tunisie. Avec des moyens dérisoires (34 000 dinars de budget déclaré selon son président), le parti n’a dû son salut qu’à la stature de militant historique de Marzouki qui aura sillonné le pays et les plateaux TV ces derniers mois, et finalement convaincu malgré son message brouillant les pistes en termes idéologiques, puisque l’homme entend ratisser large.

Autre fait marquant ayant fait beaucoup réagir le web tunisien qui s’en indigne : le controversé et méconnu en Tunisie Hachmi Hamdi obtient donc plusieurs sièges à l’assemblée, depuis l’étranger (Londres), et avec une liste indépendante (Al Aridha) aux accents pour le moins démagogues, promettant monts et merveilles : une indemnité de chômage sans précisions quant à son financement, le transport gratuit pour les personnes âgées, ainsi qu’une sécurité sociale offrant une quasi gratuité des soins, etc.

Enfin, le PDP reçoit une claque magistrale en comparaison avec la taille et l’ancienneté du parti, avec simplement 2 sièges sur les 39 aujourd’hui concernés. Sans doute victime de sa com’ souvent  maladroite, le parti aura sombré en ne sachant pas se renouveler.

Cela dit, Le Grand Tunis peut changer la donne. Une série de réclamations et de procès verbaux sont en cours d’examen qui ajoutent aux problèmes techniques rencontrés par l’ISIE, essentiellement dans la capitale, région la plus démographiquement dense du pays. Le Courrier de l’Atlas commentera les résultats définitifs dès leur annonce attendue pour ce mardi soir, tard dans la soirée.

Seif Soudani