Tunisie/Élection. Débats passionnés avec les partis politiques tunisiens au Bourget
Ce samedi matin, la salle des fêtes de l’hôtel de ville du Bourget (Seine-Saint-Denis) affiche complet. Une centaine de personnes ont fait le déplacement pour assister et questionner de nombreux représentants de partis politiques. Mais pas seulement. Les indépendants, très présents durant la campagne sont aussi représentés.
L’association ACTIF ( Association des compétences Tunisiennes Innovantes de France) est à l’initiative de cette manifestation.
Un tirage au sort décide de l’ordre de passage. Après une brève présentation de chacun, le public interpelle les candidats.
Quel rôle pour la constituante?
« L’assemblée constituante doit être souveraine, » scandent tous les représentants politiques assis autour de la table. Houcine Bardi, candidat du PTT (Parti du travail tunisien) rajoute : « Cette assemblée devra décider si elle reconduit le gouvernement actuel, si elle procède à un remaniement ministériel ou si elle met en place un nouveau gouvernement. »
Une vision à terme qui n’est pas partagée par tout le monde. Rania Mejdoub, à la tête de la liste indépendante Doustourna explique : « Nous ne nous concentrons que sur la constituante, les présidentielles ne nous intéressent pas. Chacun citoyen doit pouvoir apporter sa pierre à l’édifice de la nouvelle constitution. Le reste viendra plus tard. »
La laïcité au centre des débats
« Voulez-vous un État laïc ou non ? » interroge un étudiant. La majorité des partis présents souhaite une séparation clair entre Etat et religion. Pour Tarek Toukebri, candidat du PDP (parti démocrate progressiste) « Il faut insister sur la liberté de croyance de chacun, quelle que soit leur religion ». Le Pôle Démocrate Moderniste va plus loin. Pour Ahmed Dammak : « Il faut que l’Etat puisse avoir un droit de regard sur tous les lieux de culte afin d’éviter toute propagande. » Une proposition partagée par la liste indépendante Doustourna.
Enfin le tour du parti Ennahda arrive. Tous les regards sont rivés sur Labidi Mehrézia, traductrice-interprète et seconde sur la liste du parti islamique en France : « Nous sommes pour un Etat de droit et de liberté. Nous nous inspirerons de notre foi pour présenter nos propositions. Nous tiendrons compte de notre identité et de la volonté de notre peuple. ». Huées dans la salle. « Répondez à la question » assène une femme dans l’assistance. Le ton monte, une cacophonie générale s’installe.
Le calme revient assez vite. Mais pas de réponse clair et nette, le parti islamique restera flou sur la question.
Dette et décentralisation en tête des programmes
« Il faut éradiquer la pauvreté et relancer l’économie. Pour ce faire, il faut diviser le pays en 7 régions. Dans chacune il faudra élire un responsable qui s’occupera de la manne économique. Nous devrons équilibrer les richesses entre le littoral et l’intérieur. L’Etat en sera la régulateur, » lance Ali Kooli, candidat du parti Afek Tounes (AP).
Mais pour relancer l’économie, il faut d’abord s’attaquer à la « la dette honteuse » contractée sous le régime de Ben-Ali.
« Le dette sera une des questions centrales pour notre avenir. Nous ne rembourserons pas les dettes qui ont permis d’asseoir la dictature. Il faudra réaliser une audit intégrale et seuls les prêts légitimes seront remboursés, » annonce clairement Imed Daimi candidat du CPR (congrès pour la République).
Pour Ali Kooli : « Il ne faut plus de déficit budgétaire. Nous devons lutter contre la corruption qui gangrène notre pays. Il nous faut une cour des comptes indépendante. »
Mais pour que la Tunisie soit à nouveau économiquement viable, il faut une prise de conscience des puissants : « Les Etats qui ont soutenu la dictature doivent renoncer à la dette » affirme Tarek Toukebri (PDP). Pas certain qu’ils soient entendus.
Jonathan Ardines
Sur la photo: Débat entre candidats à l’élection constituante tunisienne