Tunisie. Congrès d’Ennahdha : Ghannouchi n’exclut pas un nouveau mandat

 Tunisie. Congrès d’Ennahdha : Ghannouchi n’exclut pas un nouveau mandat

Ghannouchi maintient le flou quant à une éventuelle nouvelle candidature pour un 3ème mandat. Photo Fethi Belaïd / AFP.


Le double statut d’Ennahdha en tant que parti au pouvoir et plus grand parti tunisien fait que le pays tout entier est suspendu à son congrès qui se tiendra du 12 au 15 juillet prochains. En attendant, Rached Ghannouchi continue d’occuper le devant de la scène médiatique. Ses sorties ont chacune valeur d’anticipation sur les travaux du congrès. Un congrès dont il a rappelé ce matin mercredi qu’il s’agit de la plus haute autorité au sein du parti, comme pour laisser la porte entrouverte à un nouveau mandat en tant que président.




 


Les cercles les plus proches du cheikh le savent bien : parler du volet des évènements dits de Bab Souika (1991) et des attentats de 1987 l’insupporte au plus haut point. Mais Ghannouchi n’y échappera pas le mois prochain où le linge sale du parti devra être lavé en public, devant 1 200 congressistes et la presse internationale.


 


Un congrès de la catharsis


Car ce qui se joue aussi à ce congrès coïncidant avec le 31ème anniversaire du mouvement Ennahdha, c’est une lutte d’influence entre deux lectures de l’histoire. L’une est celle prônée par Abdelfattah Mourou, fondateur du mouvement, et dans une moindre mesure Hamadi Jebali, secrétaire général : elle reconnaît une responsabilité partielle du parti dans les actes de violence. Mourou en a tiré les conséquences en démissionnant très tôt de la direction. Mais il compte bien participer au prochain congrès pour donner sa version des faits.


La deuxième posture, incarnée par Ghannouchi, est celle du déni total, proche du négationnisme. Elle use des ressorts du conspirationnisme pour expliquer que les actes terroristes de Sousse et Monastir, été 87, « avaient été pensés dans les locaux du ministère de l’Intérieur pour convaincre Bourguiba de réprimer les islamistes ».


C’est cette théorie du complot que Ghannouchi reprenait aujourd’hui au micro de Shems FM, citant une émission télévisée d’investigation, « Les dossiers de la corruption », une production ouvertement pro islamiste.


 


Un test démocratique, ou la tentation du culte de la personnalité


Celui qui préside l’ex Mouvement de la Tendance Islamique depuis 1981 maintient le flou quant à une éventuelle nouvelle candidature pour un 3ème mandat.


Il a réexpliqué à la mi-journée que sa position n’a pas changé depuis 2005. Or celle-ci manque de clarté puisque d’un côté cheikh Ghannouchi dit ne pas vouloir se représenter, de l’autre il s’en remet au congrès, seule autorité à avoir le dernier mot en la matière.


Samir Dilou a beau répéter qu’ « il n’y a pas de plébiscite chez Ennahdha » (allusion à Ben Ali), on peut penser qu’étant donné le degré d’idolâtrie dont jouit le chef actuel auprès des bases militantes, celles-ci lui « demanderont » de se représenter. Une façon de lui rendre hommage et de le récompenser pour le triomphe électoral de la Constituante.


Relooké, le guide charismatique des islamistes tunisiens se veut aussi rassembleur de l’extrême droite. En témoigne sa position qu’il dit tout aussi inchangée quant aux salafistes, qu’il refuse de condamner en tant que tendance suite aux récentes violences de Jendouba et de Sidi Bouzid (vandalisme des points de vente d’alcool), « ces actes étant individuels » selon lui.


Conserver la présidence d’Ennahdha permettrait à Rached Ghannouchi de pérenniser une situation problématique d’un point de vue protocolaire et institutionnel qui fait de lui l’homme fort du pays, sans pour autant être soumis aux leviers des contre-pouvoirs et de la destitution.


Seif Soudani


Podcast  de l’émission.