Tunisie- Comment et pourquoi Ennahdha veut payer les femmes à rester chez elles
On prétend que la femme est le talon d’Achille d’Ennahdha. Eh bien, le parti religieux ne l’entend pas de cette oreille. Au contraire, la femme et plus largement la famille sont l’un des principaux axes de sa stratégie de conquête de la Tunisie.
Dans sa récente interview au Guardian britannique, Rached Ghannouchi raconte : « Quand la loi électorale a été discutée, il était prévu que la disposition relative à la parité homme-femme dans les listes des partis devrait semer l’embarras dans les rangs des islamistes. C’est le contraire qui s’est produit, parce que nous étions en mesure de mobiliser davantage de femmes se réclamant de notre mouvement dans les zones rurales que tout autre parti pouvait le faire « .
De nombreuses Tunisiennes sont les gardiennes zélées du temple nahdhaoui et Ghannouchi leur promet un beau cadeau le jour où il gouvernera le pays. Ennahdha veut en effet instituer au profit des mères, un congé parental d’éducation de 4 à 5 ans (les propositions d’Ennahdha ne sont jamais précises). Pendant cette période qui suit l’accouchement, la mère qui travaillait auparavant continuerait à percevoir son salaire tout en s’occupant d’élever son enfant. Bien entendu, ce salaire ne serait pas payé par Ennahdha, mais par les contribuables, c’est-à-dire les impôts. Et cela, Ghannouchi ne le dit pas. L’essentiel, n’est-ce pas, est de promettre. On est dans la pure surenchère populiste là.
Ennahdha justifie sa proposition par la défense des droits des mères et par l’importance de la famille. Parallèlement, elle encourage la natalité et le mot famille revient de plus en plus souvent dans son discours.
Chez Ennahdha, la société idéale est celle où une femme a trois à quatre enfants, ce qui correspond, si les naissances sont espacées, à 15 à 20 ans de congé parental d’éducation. Ensuite, à 40 ou 50 ans, très peu de femmes auront l’énergie et la volonté de revenir sur le marché du travail ; et parmi ces dernières, très peu y arriveront car elles auront été totalement déconnectées. Au final, l’objectif est bien l’éviction de la femme du marché du travail et son maintien à la seule place où elle est la bienvenue: les quatre murs de sa maison.
Finalement, le projet de société d’Ennhdha est très simple : la place de la femme est chez elle, sous couvert de défense de la famille. Comme pour toute extrême-droite, la notion de famille ici signifie la cellule de base de la société, principal outil de duplication et de transmission des valeurs morales et religieuses les plus conservatrices. C’est une famille où une personne travaille, le père, investi de toute l’autorité patriarcale d’origine tribale que l’on veut coller à la société tunisienne.
Soufia Limam