Tahar Ben Jelloun inspiré par les révolutions arabes
L’écrivain marocain publie coup sur coup deux ouvrages sur les révolutions arabes. Il y livre ses réflexions et n’hésite pas à se mettre dans la peau des dirigeants déchus. « L’Etincelle » et « Par le feu » seront en librairie lundi 6 juin.
Les révolutions arabes de l’hiver 2011 ne laissent pas indifférent Tahar Ben Jelloun. A tel point qu’il a saisi la plume pour livrer ses réflexions sur les récents événements. Dans « L’Etincelle, révoltes dans les pays arabes », il se glisse dans la tête des dirigeants déchus et imagine un monologue. « Il a fallu que cet imbécile se laisse emporter par la colère, mette le feu à ses habits, pour que moi, qui ai apporté la prospérité aux Tunisiens,
je me retrouve aujourd’hui dans ce palais, seul, sans mes amis, sans mes jouets, sans rien ! » fait-il dire à un Ben Ali regardant la télévision et se laissant aller à ses idées noires, exilé loin de son pays. « Ce pays a voulu le chaos, eh bien il l’a ; qu’il s’y complaise, il va déguster. C’est un peuple d’ingrats et de lâches ; quand ils venaient me voir pour solliciter un poste ou une intervention, ils étaient pliés en quatre ; aujourd’hui ils fanfaronnent ! »
Puis c’est au tour de Moubarak de prendre la parole. « Sans moi, les Égyptiens ne sauront jamais rien faire. Je les connais, ils sont paresseux, sans rigueur, sans exigence ; on peut les acheter pour rien ; ils mettront le pays dans des impasses, économique, politique et sociale. Après la fête et les débordements de joie, ils redécouvriront l’amère réalité du quotidien. » Même mépris du peuple, même dédain du pays… Plus largement, l’Etincelle donne l’occasion à Tahar Ben Jelloun de raconter mais aussi d’analyser la situation des pays en révolte. Avec des conséquences aussi en Europe : selon lui, les pays européens doivent s’attendrent à ce que « leur jeunesse délaissée, non reconnue, abandonnée dans des banlieues, frappée à plus de 45 % par le chômage, trouve dans le vent de liberté arabe un appel à se soulever, et cette fois-ci avec assez de volonté pour aboutir. Le mépris et le racisme finissent toujours par être contre-productifs. » A l’heure de la révolte des jeunes Espagnols de la Puerta del sol, Tahar Ben Jelloun serait-il un brin visionnaire ?
Sur le même thème, celui des révolutions arabes, Tahar Ben Jelloun publie également « Par le feu », un récit basé sur l’histoire du jeune Mohammed Bouazizi, celui qui s’immola et dont le geste entraîna le soulèvement général. « L’histoire de Mohamed, (…) c’est l’histoire d’un homme simple, comme il y en a des millions, qui, à force d’être écrasé, humilié, nié dans sa vie, a fi ni par devenir l’étincelle qui embrase le monde » écrit Tahar Ben Jelloun dans ce court récit de la vie de Bouazizi et surtout de l’engrenage qui l’a amené à son geste fatal.
Cyril Bonnel
« L’Etincelle », collection Hors série connaissance, éditions Gallimard, 11 euros.
« Par le feu », collection blanche, éditions Gallimard, 12 euros.