Spécial Elections tunisiennes – Entretien avec Amira Yahyaoui, Sawt Mostakel

 Spécial Elections tunisiennes – Entretien avec Amira Yahyaoui, Sawt Mostakel

« La censure doit être interdite »

Les Tunisiens de France votent du 20 au 22 octobre. Pour apporter un éclairage supplémentaire, nous publions une série d’interviews de candidats aujourd’hui et demain. Ci-après, Amira Yahyaoui de Sawt Mostakel répond à nos questions.

Selon vous, quels points doivent absolument être inscrits dans la constitution ?

Tout d’abord, une séparation des pouvoirs judiciaires, législatifs et exécutifs pour ne plus jamais se retrouver sous le joug d’une dictature. Ensuite, liberté et égalité pour tous les citoyens.

Il est aussi important à nos yeux d’abolir la peine de mort. N’oublions pas que nous sommes dans un pays qui a connu sous l’ancien régime la torture et les assassinats.

Il nous semble indispensable de créer une autorité administrative indépendante de la communication. Elle veillera sur la liberté d’expression et le droit de réponse de chacun. La Tunisie a connu de graves troubles ces derniers jours, il faut inscrire noir sur blanc dans la constitution que la censure est interdite. Que ce soit pour un sujet sur la religion ou sur la pornographie, la liberté ne doit pas se diviser en fonction des cas.

Quels sont les 3 axes prioritaires de votre programme ?

Comme je l’ai dit précédemment, tout d’abord les libertés fondamentales pour tout citoyen, quels que soient son origine sociale, son sexe ou sa couleur de peau.

Nous voulons nous appuyer sur des institutions fortes. Il faut retirer le droit d’immunité du président ainsi que celui de tous les ministres. Nous ne voulons pas, comme certains, que le Premier ministre puisse venir du parlement, sinon où est la séparation des pouvoirs ? Le président n’aura pas le droit de dissoudre le parlement, par contre le parlement aura le droit d’utiliser la mesure « d’empêchement » pour destituer le président en cas de fautes graves.

La cour constitutionnelle ne devra pas être une cour d’élite, elle devra être accessible à n’importe quel citoyen. Il pourra la saisir si ses droits fondamentaux sont bafoués. Nous voulons également la création d’un conseil supérieur de la magistrature élu par ses pairs et dirigé par un président élu et non par le président de la République.

Troisième point, une équité régionale avec une décentralisation des pouvoirs. Nous ne toucherons pas à la carte des régions actuelles. Nous voulons rétablir l’équilibre économique et social entre chacune d’entre elles. Ben Ali a favorisé 5 régions sur les 23 existantes. Pour y remédier, un fonds sera créé pour que chaque région puisse prendre les décisions qui s’imposent. La construction d’un pont à Sousse ne pourra pas être décidée à Tunis par exemple.

Quels changements voulez-vous apporter pour les Tunisiens vivant à l’étranger ?

Nous le répétons, les « Tunisiens de l’étranger » sont avant tout des Tunisiens. Le gouvernement tunisien devra prendre position en cas de conflits touchant ses ressortissants vivant à l’étranger. Il faudra des représentants élus dans ces pays, qui auront une fonction consultative auprès des ministères et des consulats. Il faudra aider les Tunisiens en difficulté, comme ceux qui se sont retrouvés à Lampedusa.

Enfin, nous proposons la réciprocité dans les relations. Exemple, pourquoi ne pas demander aux gens venant chez nous de payer un visa ? De manière simple et rapide, bien sûr. Nous ne voulons pas bloquer le tourisme, nous en vivons, mais il serait normal que tout le monde soit traité à la même enseigne.

Propos recueillis par Jonathan Ardines