Série d’incendies de forêts en Tunisie : la piste criminelle privilégiée


L’été est une saison propice aux feux de forêt, la Tunisie n’échappe pas à cette règle. Néanmoins, d’ordinaire ce sont les régions situées en haute altitude, telles que Zaghouan et les régions montagneuses de l’ouest du pays, qui sont les plus touchées.

Même si le pays connaît un été particulièrement chaud, fait rare en cette année post révolutionnaire en Tunisie, une série noire touche depuis le début de l’été des zones habituellement épargnées par ce type d’incendies : la banlieue nord de la capitale et surtout la région côtière du Cap Bon dont plus de 300 hectares sont partis en fumée, ravagés par des incendies qui ne semblent avoir rien d’accidentel, à la lumière des informations dont nous disposons à ce jour.

Après la politique dite de la terre brûlée, serions-nous en passe d’assister à une saison de la terre littéralement brûlée à des fins toujours plus inavouables ?

Soupçons de spéculation immobilière

Fin juin, c’est la région de la banlieue nord de Tunis, précisément à mi-chemin entre la Soukra et la Marsa qui fut en proie à un important incendie d’une forêt protégée longeant la route vers Gammarth. Rapidement circonscrit la même journée, le feu avait tout de même nécessité le contrôle de la qualité de l’air et de sa teneur en CO² par les autorités sanitaires aux abords des habitations.

Déjà, de nombreux témoignages de riverains aux médias faisaient remarquer qu’il s’agissait de terrains qui furent par le passé au centre de contentieux immobiliers. En clair, les nouvelles constructions y étaient strictement interdites et les frontières disputées entre plusieurs propriétaires fonciers, d’après ce que nous a confié un résident de longue date de la zone concernée.

Ce ne serait pas la première fois que depuis le 14 janvier, des individus peu scrupuleux essayent de profiter du climat de chaos sécuritaire ambiant et de l’absence de contrôles municipaux pour s’emparer de terrains ne leur appartenant pas et / ou y construire de façon anarchique et sans autorisation. En revanche, le mode opératoire allant jusqu’à incendier des forêts entières serait quant à lui inédit. Une escalade qui n’aurait d’égards ni pour l’écologie, ni pour les trésors archéologiques dont peuvent receler les lieux. En effet, s’agissant de la forêt située entre Dar Chichou et le site archéologique punique de Kerkouane, en plus de longer un littoral connu pour être prisé par les investisseurs immobiliers, celui-ci regorge de ruines datant de l’époque punique, dont certaines remontent à plus de 400 ans av-J.-C.

Incendies du Cap Bon, une catastrophe écologique

D’une ampleur toute autre sont les incendies qui viennent d’être enfin maitrisés, après quasiment une semaine de lutte sans répit d’efforts coordonnés entre les pompiers, les canadairs de la gendarmerie et les locaux. Le bilan total est en effet de 300 hectares sinistrés dont 200 ha totalement carbonisés et 100ha « à moitié brûlés » selon les autorités régionales.

Les premières images d’un paysage de désolation, « apocalyptique » selon les témoins sur place, commencent à circuler sur le web tunisien depuis hier.

Ce sont pas moins de 1800 hectares de forêts qui sont potentiellement concernées par ce drame d’après les estimations du ministère de l’Agriculture et de l’environnement.

Selon un communiqué de la TAP, l’incendie qui ravage depuis vendredi plus de 100 hectares de pins d’Alep et d’eucalyptus dans la forêt de « Dar Chichou » (délégation de Hammam-Ghezaz Nabeul), est un acte vraisemblablement criminel, commis avec préméditation, d’après des témoins. Le communiqué précise par ailleurs que des riverains ont observé un vélomoteur sillonnant d’une manière « douteuse », les parcours de la forêt et des « brasiers » qui apparaissent sur les lieux de son passage.

Fait inhabituel, les habitants ont indiqué que les feux se sont déclenchés dans des « lieux différents et éloignés les uns des autres » au cœur de la forêt. « Chaque fois que les pompiers réussissent à éteindre un brasier, de nouvelles flammes apparaissent », ont-t-ils insisté.

Une enquête criminelle est en cours. L’article 307 du code pénal tunisien stipule que quiconque mettant volontairement le feu, directement ou indirectement, soit à la paille, soit au produit d’une récolte, soit dans une zone forestière protégée, est passible de 12 ans de réclusion. En vertu du même article, la peine capitale est encourue si l’incendie cause la mort d’autrui.

 

S.S.