Point de vue- Tunisie : Béji Caïd Essebsi doit partir

Les élections de l’assemblée constituante doivent avoir lieu dans deux mois et il est vital qu’elles réussissent.

Des élections réussies, ce sont des élections sincères, justes, libres et équitables, en un mot crédibles, dont le résultat, quel qu’il soit, est accepté par tout le monde.

Cet objectif est, dans l’étape présente, incertain.

Or, la Tunisie peut tolérer l’incertitude dans plusieurs domaines, sauf celui-là.

Béji Caïd Essebsi, premier ministre du gouvernement de transition, a échoué dans sa communication. Mais alors, lamentablement.

Son discours du jeudi 18 août, n’était pas au rendez-vous des enjeux du moment.

Certes, BCE et son équipe font l’objet d’attaques injustifiées, souvent ignominieuses.

Certes, le gouvernement a tenu le pays dans les moments difficiles ; certes il a rétabli dans une grande mesure l’ordre et la sécurité ; il a fait face aux revendications ; il a maintenu la machine économique ; il a fait bonne figure dans les forums internationaux ; il a su défendre la dignité de l’Etat tunisien et en assurer la continuité ; il a dans une large mesure préparé l’avenir, des plans d’investissement et de développement plutôt que de se contenter de gérer les affaires courantes ; il a étouffé les tentatives d’émeutes et de casses ; il a accueilli avec dignité et générosité les réfugiés venus de Libye et géré une guerre à ses frontières.

Il mérite notre plus grande considération.

Son travail, qui consiste à stabiliser le pays, à réhabiliter l’Etat est maintenant terminé. Avec quelques échecs mais l’essentiel a été fait. On aurait aimé une meilleure gestion de la Justice, mais bon le plus important restent les élections.

Il doit partir. Avec les honneurs et la reconnaissance de la nation. Mais il doit partir.

La Tunisie aujourd’hui a besoin d’un chef de gouvernement qui doit la mener vers des élections crédibles. BCE n’est pas l’homme de la situation.

Faire de la politique, c’est convaincre, ce n’est pas avoir raison. Et ça, il ne sait pas faire.

Son discours du jeudi est celui d’un chef de parti politique, pas celui d’un homme d’Etat.

Il n’a pas su élever le débat. Il s’est contenté de se justifier, de répliquer, de se défendre.

Le discours n’était pas structuré, les messages essentiels se sont perdus. Pourtant, il aurait pu se faire aider par des spécialistes en communication.

Et surtout, la posture n’était pas celle que l’on attendait, que l’on espérait d’un homme avec une aussi longue expérience et autant de qualités.

En répondant aux plus basses insultes et critiques, il s’est mis au niveau de ceux qui l’ont insulté et donc il les a confortés dans leur fausse posture d’opposants.

La Tunisie ne peut pas se permettre de rater le rendez vous des élections. Le processus de déligitimation, de déni préalable, de décrédibilisation de ces élections a commencé.

Il faut donner de la légitimité au processus. Par un référendum qui donnera la caution populaire au processus et qui sera opposable à tout le monde.

Par exemple, la présence ou non d’observateurs internationaux :

-si des observateurs étrangers sont là, les conspirationnistes, très nombreux, ainsi que les perdants, vont dire (et ils ont commencé à le dire) que ces élections sont organisées par l’Occident (ce n’est pas forcément une tare, mais c’est un argument malheureusement audible) ;

-si les observateurs sont uniquement nationaux, idem, quelle crédibilité y accorder, va-t-on dire, ce sont des anciens rcdistes qui les ont organisées, voire la police politique.

De plus, l’argent coule à flots, l’opacité est omniprésente dans le domaine politique.

Seuls un référendum au sujet du processus électoral, dans ses moindres étapes, ainsi qu’un changement de premier ministre peuvent assurer la Tunisie du minimum de confiance nécessaire à des élections crédibles et opposables à tout le monde. Au pire, il faut un gouvernement d’union nationale avec un nouveau premier ministre.

Boujemâa Sebti