Maroc. Vers une dévaluation du dirham ?
En ces temps difficiles où la croissance se fait de plus en plus courtisée, la dévaluation du dirham revient sur le devant de la scène. Economistes, hommes d’affaires, directeurs d’institutions et autres officiels sont divisés quant à l’opportunité d’adopter ou non cette mesure.
Nizar Baraka, ministre de l’Economie et des finances, estime que « c’est un faux débat, il n’est pas question de dévaluer le dirham ». Une position que ne partagent pas les économistes du Centre marocain de conjoncture (CMC).
Dans leur dernière note, on peut lire que « le passage (…) à un régime flexible plus approprié serait susceptible de réduire les incertitudes et de garantir les recettes des exportations ». En clair, dévaluer le DH permettrait de maintenir les exportations marocaines dans un contexte mondial marqué par l’essoufflement de la demande, ce qui est particulièrement vrai pour les partenaires européens du Maroc.
De plus, un dirham dévalué engendrerait de facto une baisse des coûts de production, avec à la clé un renforcement des investissements étrangers. En somme, pour le CMC, le système de change actuel « est jugé anti-productif, dans le sens où il est incompatible avec l’ouverture de l’économie nationale »…
Si l’on reconnait volontiers que l’adoption d’une telle mesure permettrait de booster les exportations à court terme, beaucoup redoutent les effets pervers de la dévaluation. La structure de l’économie marocaine fait qu’elle est fortement dépendante des importations.
Biens d’équipement, énergie, produits alimentaires,… Toute dévaluation de la monnaie nationale causerait une hausse des prix à l’import, avec des répercussions immédiates sur les prix de vente et par conséquent sur le pouvoir d’achat des Marocains. Une mesure qui risque de raviver de plus belle les tensions sociales dans le pays.
Déficit et compétitivité
Pourtant, le déficit commercial du Maroc ne cesse de se creuser. Avec près de 50 milliards de dirhams de déficit, les réserves de change du pays s’amenuisent à un rythme dangereux.
Lors de la dernière édition du Forum de Paris – Casablanca Round, Adil Douiri, PDG du fonds d’investissement Mutandis et ancien ministre du Tourisme, s’est déclaré fortement favorable à une dévaluation du dirham pour mieux équilibrer les échanges extérieurs, estimant au passage que « la valeur du dirham aurait baissé d’elle-même si c’était une monnaie librement échangée ». (Pour rappel, le dirham marocain est arrimé » à un panier de devises constitué à 80% de l’euro et à 20% du dollar).
Un autre argument en faveur des pro-dévaluation est le comportement des concurrents mais aussi des partenaires du Maroc. Le coût de la main-d’œuvre n’est plus aussi compétitif qu’il l’était il y a quelques années, faisant perdre de précieux investissements au Maroc.
Quant aux partenaires, certains n’hésitent pas à dévaluer leur propre monnaie quand ils le jugent opportun. Les ajustements opérés sur la livre anglaise ou le rouble russe s’étant répercuté négativement sur les exportations marocaines de textile et d’oranges.
Un scénario amené à empirer à en croire les économistes, le maintien du dirham à sa valeur actuelle risquant de plomber la compétitivité de secteurs clés tels que le tourisme ou l’offshoring.
Zakaria Boulahya