Maroc. Une déclaration gouvernementale trop optimiste ?
Le gouvernement Benkirane peut enfin passer aux choses sérieuses. C’est hier jeudi que le programme gouvernemental a été soumis à l’épreuve du vote de confiance devant le Parlement. Un volumineux document de 93 pages qui constitue la feuille de route du tout premier Exécutif à gouverner sous la nouvelle Constitution.
« Le programme gouvernemental s’inscrit dans la dynamique démocratique que connait le monde arabe », a précisé d’emblée le chef de gouvernement, qui a tout de même tenu à rappeler « l’attachement du royaume à l’Islam tolérant et à la monarchie constitutionnelle ».
Benkirane s’est également engagé à donner la priorité à « la lutte anti-corruption et à la réduction des inégalités sociales », en insistant sur « la redynamisation du chantier de l’habitat social et la création d’un fonds public d’assurance sociale pour les démunis ».
Un programme ambitieux -trop, de l’avis de certains- et qui a suscité nombre d’interrogations quant au réalisme de son volet économique. Pour beaucoup, le gouvernement Benkirane a peut-être mis la barre trop haut…
Le programme gouvernemental maintient en effet un certain nombre d’objectifs jugés trop optimistes, de l’aveu même d’institutions telles que Bank Al Maghrib (Banque centrale) ou encore le Centre marocain de conjoncture.
Parmi ces objectifs figurent « la réalisation d’un taux de croissance de 5,5%, une inflation contenue autour de 2%, une réduction du déficit budgétaire à 3% et la réduction du taux de chômage à 8% ».
Pour rappel, le déficit budgétaire est estimé à 6% au titre de l’exercice 2011. Quant au chômage, il est officiellement de 9,6% de la population active, et touche 31,4% des moins de 34 ans…
Feu nourri de l’opposition
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les partis de l’opposition ont accueilli cette déclaration gouvernementale avec une certaine froideur, pour ne pas dire de la méfiance.
Pour Salaheddine Mezouar, ex-ministre de l’Economie et actuel SG du RNI (Rassemblement national des indépendants), « nous nous attendions à un réel programme gouvernemental, nous avons eu droit à une simple déclaration de bonnes intentions. C’est une régression dangereuse pour le pays, car le citoyen marocain vit une frustration qui n’est dans l’intérêt de personne ».
Mezouar, qu’on surnomme aussi « l’ex-futur chef de gouvernement » en raison de ses déclarations en marge de la campagne électorale, n’a pas hésité à remettre en cause l’aptitude de l’équipe de Benkirane à assumer ses responsabilités, estimant que la déclaration-programme « est creuse, très en deçà des attentes du peuple marocain. On ne gère pas les problématiques d’un pays avec de bonnes intentions ».
Mêmes reproches de la part de Driss Erradi, de l’Union constitutionnelle. Pour ce dernier, « le programme gouvernemental ne comporte pas d’objectifs chiffrés avec précision, c’est un gros problème. Benkirane nous parle de la réduction du taux de chômage à 8% au terme de son mandat, mais il ne présente aucune méthodologie qui permette de réduire graduellement ce taux dès cette année ».
Grand seigneur, Erradi consent toutefois à « laisser au gouvernement Benkirane un délai de deux mois pour clarifier leur programme, en espérant qu’ils sauront se démarquer des précédents gouvernements qui n’excellaient que dans les promesses… ».
Les semaines qui suivent verront certainement le programme gouvernemental passé au crible par ses détracteurs. En sa qualité de chef de gouvernement, Benkirane saura-t-il jouer sa partition sans fausses notes ? Un pari difficile à remporter, dans un contexte marqué par le désaveu des partis de l’opposition et la pression exercée par les mouvements de contestation sociale…
Zakaria Boulahya