Maroc – Mezouar, outsider ou chevalier blanc ?

 Maroc – Mezouar, outsider ou chevalier blanc ?

Salaheddine Mezouar lors d’un meeting électoral à Meknès. Photo Abdelhak Senna / AFP.

Beaucoup voient en lui l’homme de la situation. Lui se voit déjà Premier ministre. A moins de 24h des législatives anticipées marocaines, les pronostics vont bon train quant à l’identité du futur chef de gouvernement. Si Salaheddine Mezouar a certes toutes ses chances, son avenir politique reste tributaire de son succès dans la ville de Meknès et d’une débâcle de l’Istiqlal et du PJD…

J-1 pour les élections marocaines ! La campagne électorale bat son plein et les candidats ne se font pas de cadeaux. Certains d’entre eux se démarquent du lot. Paradoxalement, ce n’est pas tant grâce à une quelconque légitimité populaire, mais plutôt en raison de leurs « faits d’armes ». Salaheddine Mezouar fait partie de ceux-là.

Pour beaucoup, l’actuel ministre des Finances (et leader du RNI et du G8) présente toutes les qualités requises pour briguer la primature. Il est vrai que l’homme n’est pas dépourvu de charisme, et on reconnaît volontiers son dynamisme et son pragmatisme politique.

Au cours de meetings électoraux ou face aux médias, les propos de Salaheddine Mezouar laissent transparaître son très fort désir de gérer les affaires publiques. Ce docteur en sciences économiques, ancien capitaine de l’équipe nationale marocaine de basket, saura-t-il marquer les trois points ?

La carte G8

Avant de prétendre au poste de premier ministre, encore faut-il que Mezouar décroche son siège de député. Or, rien n’est moins sûr. Il ne s’est jamais présenté à une élection, et sa casquette de président du Rassemblement national des indépendants (RNI) ne lui garantit pas obligatoirement une assise populaire. Rappelons que Mezouar a été élu à la tête de son parti suite à l’éviction de Mustapha Mansouri par un courant réformateur mené par… Mezouar !

Le parti lui-même a été longtemps considéré comme une pure création du Makhzen, destiné à maintenir l’équilibre des forces en faveur du pouvoir. Mais il a su se créer une légitimité en recrutant de grands commis et technocrates, en rajeunissant son équipe dirigeante et en  s’imposant comme le chef de file des forces économiques libérales .

Salaheddine Mezouar créera l’événement en annonçant la création de l’Alliance pour la démocratie, le regroupement de huit formations politiques (RNI, Mouvement populaire, PAM, Union constitutionnelle, Parti travailliste, Parti socialiste, Parti de la gauche verte, Parti de la renaissance et de la vertu), faisant front commun face à la Koutla (Istiqlal, USFP et PPS) et au PJD de Benkirane.

Bien que l’Alliance pour la démocratie (G8) ait été présentée par ses fondateurs comme une tentative de polarisation du champ politique marocain, force est de constater que les candidats appartenant à l’une ou l’autre des huit formations se font la guerre dans la majorité des circonscriptions !

En route vers la primature ?

Dans le cas de Mezouar, ce dernier se présente à Meknès, réputée pour ses vignobles. La bataille sera serrée puisque cette ville connaît une forte présence de l’Istiqlal et du PJD.

Conscient que son avenir politique se jouera à Meknès, Salaheddine Mezouar est passé à la vitesse supérieure en tirant à boulets rouges sur ses concurrents. Il n’a pas hésité à incendier l’actuel chef de gouvernement en sursis, Abbas El Fassi, lui reprochant d’avoir délaissé les problématiques de développement « pour maintenir, voire renforcer les privilèges dont bénéficient certaines familles ».

Une allusion à peine voilée à la famille El Fassi dont plusieurs membres occupent des postes clé – en vrac : la Primature, les ministères de la Santé, des Affaires étrangères, des Affaires générales, l’Office national de l’électricité, ainsi qu’une pléthore d’El Fassi nommés à d’importantes fonctions.

Mais si Mezouar décrie volontiers le mode de gouvernance de son supérieur hiérarchique, il use d’une toute autre méthode avec les islamistes du PJD. Les attaques sont plus personnelles, à la limite de la bienséance.

De Benkirane, le SG du PJD, Mezouar a dit « qu’il fait de la politique comme s’il faisait la Halka » (conteurs populaires qui ont fait la renommée de Jamâa El Fna – NDLR). Salaheddine Mezouar se paie même le luxe de tacler le PJD sur le terrain religieux, en affirmant que « nous (le G8) sommes fortement attachés à l’Islam modéré. L’importation du modèle turc voudrait dire l’importation d’un modèle laïc, chose que nous refusons catégoriquement ».

Mêmes critiques à l’égard du programme du PJD, que Mezouar juge trop flou sur les questions économiques. En bon argentier du royaume, lui a su par contre peaufiner le « plan de bataille » du G8.

Au menu, un taux de croissance supérieur à 6% au cours de son mandat s’il est élu, ainsi que la promesse de créer 200 000 emplois par an. Des objectifs que Mezouar soutient mordicus malgré une conjoncture économique incertaine, sans parler des railleries de ses détracteurs.

Quoi qu’il en soit, l’ancien international de basket sera fixé d’ici 24 heures, entre le brassard de capitaine et le banc de touche…

Zakaria Boulahya