Maroc. Les rentiers pointés du doigt

 Maroc. Les rentiers pointés du doigt

Le ministre des Transports Aziz Rabbah vient d’autoriser la publication de la liste des bénéficiaires des agréments de transport


C’est un véritable pavé dans la mare que vient de lancer Aziz Rabbah, ministre de l’Equipement et des transports. Le ministre vient en effet d’autoriser la publication de la liste des bénéficiaires des agréments de transport, symbole au Maroc de l’économie de rente et de l’inégalité des chances.




 


L’affaire fait tellement le buzz qu’elle alimente aussi bien les discussions que la une des journaux marocains d’aujourd’hui. Une liste de 4 118 noms qui n’a manifestement subi aucune censure, en témoigne la présence de noms proches du palais royal.


Dans le document, on découvre aussi bien d’anciens ministres que des chanteurs, des sportifs et des militaires. En effet, les agréments au Maroc sont « octroyés » pour services rendus à la nation. Un moyen pour le pouvoir de récompenser ses commis ainsi que des personnes s‘étant illustré, principalement sur le plan sportif et culturel.


Sauf que la liste à l’origine de cette polémique comprend notamment des noms de la grande bourgeoisie marocaine ainsi que des notables et hommes d’affaires, ce qui pour l’homme de la rue remet fortement en cause la thèse de l’octroi au mérite de ces agréments, d’autant plus que plusieurs parlementaires, leaders politiques et même le maire de Casablanca font partie de ces heureux élus.


Leurs noms figurent aux côtés de militaires et anciens agents de renseignement, dont le controversé Miloud Tounssi, pointé du doigt à plusieurs reprises en raison de son implication présumée dans l’affaire Ben Barka…


Dans un autre registre, on découvre également parmi les bénéficiaires d’anciens sportifs telles la championne olympique et ancien ministre Nawal Moutawakil, et des footballeurs comme Baddou Zaki, Noureddine Naybet et Salaheddine Bassir. Les artistes ne sont pas en reste puisque la liste révèle les noms de Naima Samih et Latifa Raâfat.


 


Vers plus de transparence


Un agrément peut assurer un revenu minimum de 50 000 DH par mois. Le document du ministère des Transport précise que le quart des agréments n’est pas exploité, et 70% des autorisations exploitées le sont en exploitation indirecte, c’est-à-dire que le bénéficiaire loue tout simplement son agrément à un tiers moyennant un forfait mensuel.


Une rente qui à elle seule incarne les boulets que traine l’économie marocaine. Plusieurs journalistes et associations ont salué la publication de cette liste. Estimant qu’il s’agit d’un premier pas vers l’assainissement du secteur des transports, un secteur qui fait fuir les investisseurs en raison du manque de transparence qui le caractérise.


C’est aussi la preuve pour certains que la politique du pays tend vers plus de transparence. Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a quant à lui estimé que « la publication de cette liste répond au droit à l’information et aux exigences de la bonne gouvernance, pour plus de transparence dans l’octroi d’agréments et autres avantages ».


Une transparence que les Marocains espèrent retrouver lors de la publication prochaine d’une autre liste, celle des bénéficiaires des agréments de taxi, un autre grand symbole de la rente et du favoritisme au Maroc. Rien n’est cependant moins sûr puisqu’au Maroc, les agréments de taxi relèvent du ministère de l’Intérieur…


Zakaria Boulahya