Maroc- Les protestations des chômeurs prennent une tournure violente

Diplômés ou pas, des citoyens marocains en chômage sont passés de la simple revendication du droit au travail à la protestation musclée. De plus en plus fréquentes, certaines manifestations se sont particulièrement démarquées par leur violence, faisant fi de la loi et l’intérêt général.

Si les sit-in devant le parlement ou les grandes entreprises du Royaume ont fini par devenir habituels, le recours à la force par les chômeurs, lui, choque. Autant les autorités que les citoyens notent l’évolution inquiétante dans le mode de protestation de cette catégorie sociale, certes, très lésée par un chômage chronique.

Les chômeurs se déchaînent !

Les chômeurs de Khouribga, de Youssoufia et des villes minières du Maroc on bloqué le transport de phosphate et celui du personnel du Groupe OCP, sachant que ce dernier a créé quelques 5.800 postes dans le cadre du projet Skills, face à une demande pour le moins démesurée.

A Dakhla, 41 pêcheurs chômeurs se sont opposé à ce qu’un navire russe emploie ses pêcheurs habituels d’origine gadirie.

A Nador, 100 membres d’une association des chômeurs ont occupé le devant d’un bateau en partance et ont scandé des slogans pour réclamer des réponses immédiates à leurs revendications.

Plus récemment, des licenciés ont bloqué le tramway de Rabat alors que des cadres supérieurs ont carrément occupé le siège du Parti de l’Istiqlal, dans la même ville, pendant une semaine.

Que d’exemples d’un débordement que les autorités peinent à contenir !

L’indignation des citoyens face à ces agissements radicaux grandit et remplace la compassion dont jouissait habituellement la cause des chômeurs. Et pour cause ! Outre le retard et l’entrave au bon fonctionnement des services communs, les protestations ont parfois dépassé le cadre légal, atteignant directement à la sécurité des citoyens. Ce fut le cas, il y a quelques semaines, lorsqu’un groupuscule de diplômés chômeurs a assiégé l’hypermarché Marjane de Rabat pour en interdire l’accès ou la sortie.

Les mesures immédiates sont-elles judicieuses ?

Désignés tous par un qualificatif peu valorisant, il sert bien de rappeler la diversité des profils des chômeurs. Il en découle une multiplicité, voire une disparité, dans leurs revendications.

Si la plupart des chômeurs non qualifiés veulent des postes d’ouvriers, dans des entreprises requérant un certain degré de formation spécialiste, les licenciés, eux, exigent des postes dans l’administration marocaine. Quant aux diplômés du troisième cycle, ils lorgnent les avantages des cadres supérieurs, toujours dans la fonction publique.

Face à la montée du seuil des revendications concomitantes aux manifestations pour la démocratie que connaît le Maroc, le gouvernement a entrepris des actions importantes pour réduire le taux de chômage dans le Royaume. Quelque 20.000 emplois sont créés au sein d’une fonction publique hypertrophiée, mais sont loin de répondre à toutes les exigences.

Dans le but de calmer les esprits, le gouvernement a éliminé les concours d’accès à la fonction publique. Ce qui pourrait malencontreusement nuire au principe d’égalité des chances et favoriser l’approche régionaliste dans l’accès au travail.

Le régionalisme, c’est aussi l’un des inconvénients de l’approche des associations de chômeurs dans les différentes régions du Maroc. Si les villes minières prétendent avoir la priorité à l’embauche à OCP, les villes portuaires refusent de voir débarquer des employés d’autres villes, toujours aux dépens de la formation et des connaissances requises chez les employés.

La seule issue possible pour créer davantage de postes d’emplois selon Moncef Kettani, le rapporteur de la commission de l’emploi et de la formation au Conseil Economique et Social, serait d’encourager le secteur privé en gagnant la confiance des investisseurs et de transcender les entraves administratives et les problématiques auxquelles sont particulièrement confrontées les petites entreprises.

En attendant la mise en place de l’ensemble de ces mesures, un dialogue social s’impose pour calmer les émeutiers dont la colère et les menaces augmentent chaque jour davantage. Les affrontements avec les autorités sont moins explosifs qu’auparavant, mais le mécontentement des citoyens monte à son tour, menaçant de l’établissement d’une intolérance vis-à-vis des chômeurs.

Fedwa Misk