Maroc. Le rapport de la discorde

 Maroc. Le rapport de la discorde

Dans le classement des établissements publics épinglés par la cour des comptes


C’est un rapport explosif que celui que vient de dévoiler la Cour des Comptes. Le document épingle plusieurs établissements publics, en raison de malversations, détournements de fonds et autres privilèges, accompagnés le plus souvent par une gestion calamiteuse des deniers publics. (Photo AFP)




 


La Cour des Comptes, présidée par l’ancien ministre de l’Intérieur Ahmed El Midaoui, résume en son rapport les conclusions de 120 commissions d’enquête portant sur des établissements publics, des partis politiques, des collectivités locales,… Un travail de fourmi qui a permis d’identifier des champions nationaux en matière de dilapidation de l’argent public et d’irrégularités financières.


Ainsi, figurent sur cette blacklist : la Royal Air Maroc, La Caisse nationale de sécurité sociale, l’Office des Changes, l’Administration des douanes et des impôts indirects, l’Office national de l’eau potable, la Société nationale de radio et télévision, ainsi que d’autres établissements comme des universités, des administrations territoriales ou encore le Conseil déontologique des valeurs mobilières…


 


Chasse gardée


Dans ce classement des établissements publics « voyous », la Royal Air Maroc occupe haut la main la première place du podium. Les limiers de la Cour des Comptes ont relevé un trou dans les caisses de la compagnie aérienne qui dépasse les 3 milliards de dirhams !


Un manque à gagner abyssal qui s’explique par les irrégularités relevées. Notamment une augmentation de la masse salariale de 74% sur dix ans, alors que les effectifs de la compagnie n’ont augmenté que de 8%. Les indemnités de transport et de logement culminent à elles seules à près de 40 millions de dirhams et, pour compléter le tableau, l’ensemble des directeurs de la RAM de même que ses hauts cadres bénéficient, ainsi que leurs familles, de la gratuité à vie sur les lignes de la compagnie aérienne…


Des irrégularités tout aussi troublantes ont été relevées dans d’autres établissements, le montant global portant sur des milliards de dirhams. Une manne financière qui échappe au contrôle de l’Etat et fausse les mécanismes d’une économie marocaine déjà chancelante sous l’effet de la sècheresse – les prévisions de croissance ayant officiellement été ramenées à 3% au lieu de 4,2%.


Toujours dans le même contexte frauduleux, le rapport signale une fuite de capitaux estimée à 32 milliards de dirhams au titre du rapatriement des revenus des étrangers opérant au Maroc, dans le cadre d’un contrat d’assistance technique en matière de télécommunications et de gestion déléguée.


 


Quelle suite ?


Maintenant que le démon est sorti de sa boîte, c’est un autre défi qui se présente devant le gouvernement Benkirane, ce dernier ne pouvant manifestement pas rester les bras croisés devant l’ampleur des infractions commises. D’autant plus que la « bonne gouvernance » constitue l’un des leitmotivs récurrents de l’Exécutif actuel.


Le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, avait déclaré à maintes reprises qu’il était prêt à engager des poursuites si la Cour des Comptes lui soumettait des dossiers compromettants. Une décision qui revêt également une dimension politique au regard des hauts-commis de l’Etat incriminés et de la sensibilité des dossiers…


Zakaria Boulahya