Maroc. Lahcen Haddad, ministre du Tourisme : « Nous ciblons les MRE de la 3ème génération »
Lahcen Haddad, ministre du Tourisme, nous dévoile dans cet entretien exclusif accordé au Courrier de l’Atlas les grandes lignes de sa stratégie pour stimuler le secteur, les actions pour rattraper le retard enregistré par la Vision 2020 ainsi que la place qui est accordée aux MRE, important réservoir de touristes pour le Maroc.
Le Courrier de l’Atlas : Vous êtes à la tête du département du tourisme depuis près de quatre mois, quel bilan faites-vous du secteur ?
Lahcen Haddad : Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un contexte économique mondial et géopolitique perturbé qui impacte nos principaux marchés émetteurs, mais cela ne veut pas dire que nous allons pour autant remettre en cause les aspects structurels de notre stratégie. Face à cette conjoncture nous nous sommes fixés deux rythmes d’interventions :
– Le premier pour faire face à l’urgence de la situation générée par la conjoncture actuelle du marché touristique mondial en adoptant un Plan d’anticipation pour maintenir l’attractivité de notre destination tant sur le plan de l’investissement que sur le plan des flux touristiques.
– Le deuxième à moyen et long terme consiste à continuer de travailler sur les chantiers structurants du secteur à travers l’opérationnalisation de la Vision 2020, notamment : la mise en place de la nouvelle gouvernance, l’achèvement des stations Azur, la dynamisation de l’investissement privé dans le secteur tant des investisseurs nationaux qu’étrangers, le suivi de la durabilité, le renforcement de l’adéquation formation-emploi du secteur en se positionnant sur une formation d’excellence…
J’aimerai aussi souligner que le premier trimestre 2012 a enregistré des contre performances, mais les mois d’avril et mai verront une amélioration substantielle des réalisations. Ceci a été possible grâce à des fondamentaux solides du secteur, à la maturité de notre industrie et sa forte capacité de résilience mais aussi à la mobilisation des pouvoirs publics et du secteur privé.
L’ONMT n’a pas eu sa rallonge budgétaire dans la dernière Loi de Finances, alors que nous sommes en période de crise. Cela va-t-il plomber vos actions ?
Comme chacun le sait, les Finances Publiques de notre pays subissent des pressions dues à la conjoncture, mais cela ne remet pas en cause la place stratégique de l’industrie du tourisme qui reste l’un des principaux moteurs de croissance de notre économie, d’où l’attention particulière dont ce secteur bénéficie au sein du Gouvernement.
L’Enjeu pour les mois prochains consiste à stimuler la demande en provenance des principaux marchés émetteurs. Pour cela, L’ONMT entreprend une stratégie de marketing plus agressive et ciblée. Elle vise à consolider les marchés traditionnels, notamment la France, l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Elle renforce aussi la conquête des marchés émergents, notamment les pays de l’Est, où des actions ponctuelles sont déjà initiées depuis 3 ans, mais aussi dans des marchés plus lointains, mais prometteurs, comme ceux d’Asie ou d’Amérique latine, du Moyen-Orient ou d’Afrique.
Un Plan d’Action consacré au « Tourisme National » sera présenté mi-mai, pouvez-vous nous en donner les grandes lignes ?
La stratégie nationale pour le développement du Tourisme interne se fixe comme objectif de développer une offre de produits répondant particulièrement aux attentes et spécificités socioculturelles des familles marocaines. Elle vise à atteindre 9 millions de nuitées à Horizon 2020.
Nous sommes effectivement en train de travailler sur un plan d’actions avec les professionnels, qui sera dévoilé dans les prochaines semaines, mais je peux vous dire d’ores et déjà que ce sera dans le cadre d’une approche plus globale, et d’une véritable stratégie intégrée avec une composante nationale déclinée en offres régionales, dans le but de pérenniser ces actions sur toute l’année, et de nous doter ainsi d’une véritable offre visible et audible auprès du marché national.
La Vision 2020 est en retard. Quelles sont les raisons et quels sont les moyens de rattraper ce retard ?
J’aimerais insister sur le caractère stratégique de Vision 2020. Etalée sur 10 ans, cette vision ambitionne de positionner le Maroc parmi les 20 plus grandes destinations mondiales et de s’imposer comme une référence en matière de développement durable.
Les chantiers avancent et nos objectifs pour la période 2012-2016 s’inscrivent dans la continuité avec de nouveaux défis à relever, en matière de Gouvernance, de diversification de l’offre, de promotion de l’investissement, de durabilité, de formation et de compétitivité.
S’agissant des actions prioritaires, il s’agira, d’abord, et compte tenu de la conjoncture, de consolider nos parts de marchés dans les principaux bassins émetteurs, de maintenir l’attractivité de notre pays, notamment sur le plan de l’investissement.
Parallèlement à cela, nous allons nous atteler à accélérer l’achèvement des stations balnéaires déjà opérationnelles (Saïdia, Mazagan, Mogador), et à lancer les stations restantes du plan Azur 2020 et du plan Biladi. Nous veillerons également à la finalisation des contrats programme régionaux que nous envisageons de signer au dernier trimestre 2012.
Nous apporterons également une attention particulière à la Gouvernance du secteur, à travers la mise en place des Agences de Développement Touristique, conformément au contrat programme de la Vision 2020.
Vous comptez, à travers l’ONMT, cibler les MRE pour promouvoir le secteur touristique…
Les MRE constituent un réservoir important de touristes, en particulier, la troisième génération qui, selon nos études, adopte les mêmes comportements que les touristes internationaux en matière d’hébergement et d’animation, tout en conservant des attaches importantes avec le pays d’origine. C’est un segment très porteur pour l’industrie touristique marocaine.
Nous menons des actions spécifiques auprès des médias communautaires, des réseaux sociaux, mais aussi des partenaires relais (banques, associations…). Notre ambition est d’offrir aux MRE des produits complémentaires adaptés à leurs besoins, et ceci dans le cadre de partenariat avec les compagnies aériennes, l’ONDA…
Quel message aimeriez-vous adresser aux MRE, notamment les MRE de France ?
Les MRE sont nos ambassadeurs dans leurs pays d’accueil, et contribuent non seulement au rayonnement de notre culture, mais aussi au développement économique de notre pays. Nous ne ménagerons aucun effort pour leur apporter toute l’attention qu’ils sont en droit d’attendre, aussi bien pour leurs vacances au Maroc que pour leurs éventuels projets d’investissements dans le tourisme.
Propos recueillis par Ahlam Jebbar