Maroc. La tension monte…
Comme chaque dimanche, les principales villes marocaines ont été investies hier par des manifestants réclamant de meilleures conditions de vie. Une situation tendue au vu des récents dérapages de Taza et des Ait Hdiddou…
Le gouvernement Benkirane n’entame pas son mandat sous les meilleurs auspices. Des manifestations se sont tenues hier dimanche dans les principales villes marocaines, dénonçant la corruption et le népotisme, et appelant à un meilleur accès à l’emploi et aux services de base.
La ville de Taza, paisible bourgade du nord-est du Maroc, est depuis la semaine dernière le théâtre d’un vaste mouvement de contestation sociale qui a dégénéré en violents affrontements avec les forces de l’ordre.
A l’origine, un sit-in des diplômés chômeurs s’est transformé en véritable bataille rangée, après qu’une femme enceinte ait été agressée par un membre des forces d’interventions. Il n’en fallut pas plus pour que les habitants prêtent main forte aux diplômés.
La paupérisation, la cherté de la vie et le manque de perspectives sont en effet autant de « tares » qui caractérisent cette région, faisant partie du « Maroc non-utile » pour reprendre une vieille expression du Makhzen, et qui fut pourtant un haut lieu de la résistance sous le protectorat français (c’est d’ailleurs la ville natale de Allal Ben Abdallah, considéré comme LE martyr de la résistance marocaine, NDLR).
Dans une tentative maladroite pour désamorcer la situation, le PJD, parti dont est issu l’actuel chef de gouvernement, a organisé hier dimanche une série de meetings dans cette petite ville.
Dans un souci de proximité avec les jeunes et pour mieux faire passer certains messages, le parti de
« On ne nous prend pas au sérieux. Comment voulez-vous qu’un acteur apporte ne serait-ce qu’un semblant de solution à nos problèmes ? », s’indigne un manifestant dans une vidéo qui fait le buzz sur les réseaux sociaux. « Le PJD nous a trahis. Leur apparente proximité avec le peuple n’est que de la poudre aux yeux ! », renchérit un autre…
Taza, de la résistance à l’oubli
La ville de Taza n’est pas un cas isolé. Pratiquement dans la même région, la tribu des Ait Hdiddou a également défié les autorités marocaines, mais pour de toutes autres raisons, comme nous l’apprend Lhou Marghine, président de l’association Akhiam : « Des centaines de manifestants ont exprimé leur mécontentement parce qu’ils n’ont pas accès aux services de base. Ils en ont assez de s’abreuver à la rivière parce qu’ils n’ont pas d’eau potable, ils en ont assez de voir leurs enfants mourir parce qu’il n’y a pas de médecins ».
Une situation qui ne peut qu’aboutir sur des tragédies. Avec un seul médecin pour plus de 30 000 habitants, quand il est présent, la région connait un fort taux de mortalité infantile et il est fréquent que des femmes décèdent en couches.
L’accès à l’éducation est également très limité, ce qui se répercute négativement sur la population. Toujours selon Lhou Maghrine, le taux d’analphabétisme dans la région serait de 77%, et 43,8% de la population vivrait sous le seuil de pauvreté.
A la suite d’un dialogue avec les autorités, un comité de suivi a été mis en place par les manifestants pour veiller à l’amélioration de leurs conditions, bien que les habitants de la région ne se fassent pas beaucoup d’illusions sur leur sort.
Le nouvel Exécutif dirigé par Abdelilah Benkirane devra mettre les bouchées doubles pour apaiser ces tensions, ce qui ne sera pas aisée compte tenu du nombre de bourgades marocaines dans la même situation…
Zakaria Boulahya