Maroc. La liste de la discorde
La publication d’une liste de personnes bénéficiant d’agréments de transport semble avoir mis le feu aux poudres. Alors que bon nombre de Marocains se félicitent de cette décision, certaines voix s’élèvent pour contester la pertinence de cette mesure, et ce au sein même du gouvernement Benkirane…
A l’occasion d’un meeting organisé samedi dernier par la jeunesse du PJD, le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane a déclaré : « Il existe des forces qui cherchent à saper nos efforts et à nuire à notre parti », sans pour autant expliciter la nature de ces « forces ».
Toutefois, il semble que la polémique née de la récente publication par Aziz Rabbah, ministre des Transport, de la liste des bénéficiaires d’agréments de transport y soit pour quelque chose. A tel point que des membres de l’exécutif Benkirane se seraient prononcés contre cette mesure.
Ainsi, Nabil Benabdallah, ministre de l’Habitat et SG du PPS (ex-parti communiste), a déclaré à la presse que « combattre l’économie de rente ne se fait pas à travers des sorties médiatiques isolées ». Une allusion à peine voilée au populisme souvent reproché à Benkirane ainsi qu’aux ministres issus du PJD.
« Un fléau à éradiquer »
Faisant partie de la coalition gouvernementale, Benabdallah n’a manifestement pas apprécié que cette liste ait été publiée sans que la question ne soit abordée lors d’un conseil de gouvernement. « Mettre un terme à l’économie de rente doit se faire selon une approche globale. Publier cette liste ne résout en rien le problème », renchérit Nabil Benabdallah, qui estime que le ministre des Transport aurait d’abord dû vérifier que les personnes figurant sur la liste exploitent bel et bien les agréments qu’on leur a octroyés, sous peine de se voir poursuivi en justice pour diffamation.
Sauf que Benkirane ne l’entend pas de cette oreille. Le chef de gouvernement affirme avoir été contacté par le roi Mohammed VI en fin de semaine dernière, pour lui exprimer son soutien « dans le respect de l’esprit de la nouvelle constitution ».
C’est ainsi qu’Abdelilah Benkirane a confirmé qu’il ne comptait pas en rester là, et qu’il ferait le nécessaire pour éradiquer ce fléau que représente l’économie de rente. « Nous devons identifier avec précision les personnes qui profitent de ce système. Nous ne comptons pas nous arrêter à la publication de cette liste. Notre gouvernement travaille à corriger ces dysfonctionnements en adoptant une approche qui prend en compte les éventuelles répercussions sociales ».
Quant au ministre des Transports Aziz Rabbah, qu’on pourrait appeler, vu les circonstances, « l’homme par qui le scandale arrive », il n’en démord pas moins quant à l’utilité de rendre publique la liste des rentiers, promettant d’autres révélations lors des prochaines semaines… « Ce n’est pas du populisme, mais des actions correctrices que nous menons avec courage. Ce qu’il faut combattre, ce sont ceux qui profitent de la rente et des deniers publics ».
Zakaria Boulahya