Maroc. Gouvernance PJD : Acte I
C’est aujourd’hui jeudi que Abdelilah Benkirane préside sa première réunion du Conseil de gouvernement. Un jour historique pour le PJD, qui a souvent été le mouton noir de la scène politique marocaine.
Après l’euphorie de la consécration aux urnes lors du scrutin de novembre dernier, et les semaines de tractations politiques qui s’en sont suivies, il était temps pour le parti de la lampe de passer aux choses sérieuses.
Conformément à l’article 88 de la nouvelle Constitution, le projet de programme gouvernemental sera examiné par le Conseil en attente de sa présentation au Parlement.
Si cette réunion permettra notamment de préciser la vision de chaque ministre pour la durée de son mandat, elle est également l’occasion de réaliser un premier benchmark entre le programme de la coalition gouvernementale et celui que le PJD avait annoncé peu de temps avant les élections.
Lors de la présentation dudit programme à la Confédération générale des entreprises du Maroc (représentant le patronat marocain), Benkirane avait clairement annoncé la couleur : « Il est temps que le peuple reprenne sa place, qu’il gouverne au lieu d’être gouverné ».
Economie sociale ?
Pour « rendre sa place au peuple », le programme du PJD ambitionne de forger « une économie nationale forte, compétitive, productive et garante de la justice sociale ».
Concrètement, les objectifs fixés consistent en une augmentation de revenu de 40% sur cinq ans et d’une valorisation du Smig à hauteur de 3 000 DH. Le parti de la Lampe compte aussi alléger l’imposition des classes moyennes et modestes, avec en parallèle l’instauration d’une taxe de 30% sur les signes extérieurs de richesse.
Egalement à l’ordre du jour, la maîtrise du déficit budgétaire, principalement mis à mal par la Caisse de compensation (organisme qui régule les prix des carburants et des matières de première nécessité), véritable gouffre pour les finances publiques dont la facture au titre de l’exercice 2011 frôle les 50 milliards de dirhams. Le programme des islamistes prévoit de contenir le déficit sous la barre des 3% du PIB.
Pour ce faire, une piste de réflexion originale a été avancée : l’institutionnalisation de la Zakat, qui pourrait constituer un apport non négligeable à la Caisse de compensation… Pour atteindre ces objectifs, le PJD table sur un taux de croissance annuelle de 7%, là où le précédent gouvernement peinait à atteindre la barre des 4,5%.
Investissements contre paupérisation
Les entreprises ont aussi eu leur part de promesses Pjdéistes. Amélioration du climat des affaires, limitation de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 25%, ainsi que l’instauration d’une variante du « Small Business Act » américain en faveur des PME marocaines…
Les islamistes modérés vont jusqu’à promettre une exonération de la TVA pour le secteur médical et l’alimentaire. Autant de mesures censées résorber le chômage et favoriser les investissements productifs.
Au sein du PJD, on annonce volontiers que le parti compte instaurer une approche libérale des systèmes de production et une approche socialiste en ce qui concerne la redistribution des richesses. Soit. Si ce programme est séduisant sur le papier, force est de constater que sa concrétisation relève en nombreux points de portefeuilles détenus par les autres partis de la coalition. L’exercice sera périlleux et tout le monde attend le PJD au tournant, aussi bien ses alliés que ses détracteurs…
Pendant ce temps, la clameur de la rue marocaine ne cesse de se faire entendre. Pas plus tard que mardi dernier, la ville de Taza a été le théâtre d’affrontements violents entre les forces de l’ordre et la population.
Zakaria Boulahya