Maroc-Espagne : Touche pas à mes agriculteurs !
Plutôt sans merci la guerre qui se poursuit autour de l’accord agricole Maroc-Union européenne. Le lobby agricole espagnol ne cesse de revenir à la charge avec, à chaque fois, un argument peu plausible, mais pas mal déstabilisant. La commission agricole du Parlement Européen vient de rejeter l’accord agricole Maroc-UE.
Incompatibilité des produits agricoles en provenance du Maroc avec les normes sanitaires de sécurité alimentaire et la protection de l’environnement en vigueur dans l’UE. C’est l’argument avancé par la Commission de l’Agriculture du Parlement européen (PE) et qui serait à l’origine du rejet de l’accord agricole présenté par le Maroc le 13 décembre 2010.
« Irrecevable ! », proteste vigoureusement Jawad Kerdoudi, Président de l’Institut Marocain des Relations Internationales (IMRI). Le Maroc est exportateur des fruits et légumes vers l’Europe depuis plusieurs décennies. Il a, de ce fait, mis en place un Organisme public de contrôle des produits agricoles, dûment agréé par la Commission européenne.
Le statut avancé, c’est pour quand ?
Il paraît également que la Maroc mène une politique de dumping pour faire concurrence déloyale à l’agriculture européenne. Lorsqu’on sait que la part du marché des fruits et légumes en provenance du Maroc ne représente que 2,5% des importations totales agricoles extracommunautaires dans l’Union Européenne, on se demande ce que ça serait sans dumping.
De plus, le Ministre de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, Aziz Akhannouch, précise que la production marocaine est complémentaire à celle européenne en matière de volume, de calibrage et de calendrier. Ce qui ne devrait en rien menacer les intérêts de l’UE. Du moins, pas « toute » l’Union Européenne.
Alors, des médias espagnols vont jusqu’à évoquer la question du Sahara comme motif pour le gel du processus d’approbation de l’accord agricole par le Parlement Européen !
Tous les moyens sont bons pour empêcher le Maroc de bénéficier réellement du fameux statut avancé auprès de l’Europe, dont il « jouit » depuis 3 ans déjà et qui se trouve bloqué par un arsenal de mesures rédhibitoires à chaque fois que la crise semble poindre à l’autre rive.
Puissant lobbying agricole
Selon des observateurs de la place, le partenariat Maroc/Union européenne est un peu trop dépendant du bon gré des lobbies agricoles. En raison de fortes pressions de ces lobbies, particulièrement espagnols, l’UE a toujours été réticente à l’entrée massive des fruits et légumes marocains, imposant aux producteurs/exportateurs marocains, des contraintes de prix, de calendrier et de contingent.
Cela n’empêche que le lobby espagnol a échoué à freiner les importations de certains produits marocains en mars dernier. A ce titre, une phrase prononcée par John Clarke, Directeur des Affaires Internationales de la Direction générale de l’Agriculture de la Commission Européenne (CE), disant que «la tomate marocaine est plus sûre que l’espagnole», avait soulevé un tollé parmi les légumistes espagnols.
Les eurodéputés espagnols se sont alors fait appuyer dans leurs revendications par leurs collègues du Portugal, d’Italie et de l’Autriche. Ils ont de ce fait réussi à voter à 24 contre 14 pour le rejet de l’accord en question.
La bataille perdue mais pas la guerre…
La décision qui devrait être ratifiée en octobre prochain au sein du PE fait déjà des dégâts, au Maroc comme en Espagne. Le Parti Socialiste paie le prix fort de son engagement en faveur de l’accord agricole Maroc-Union Européenne.
Derrière cet acharnement, le Parti populaire espagnol qui a choisi de porter la voix des associations espagnoles de producteurs de fruits et légumes, irritées de voir un concurrent prendre une petite part supplémentaire du marché européen. Le PPE accuse le PSOE de préserver la cordialité des rapports avec le Maroc au détriment du bien être des agriculteurs espagnols.
De son côté, le Maroc ne compte pas rester spectateur de son exclusion et de sa privation des avantages du statut avancé. Plusieurs médias européens ont d’ailleurs retenu le danger à peine voilé dans la question de M. Akhannouch : « Voulez-vous que 80.000 travailleurs marocains se retrouvent de l’autre côté de la Méditerranée? ».
Reste à voir si le Maroc est assez bon lobbyiste pour regagner la confiance de l’UE d’ici octobre prochain.
Fedwa Misk