Maroc. Conjoncture économique, le grand défi du gouvernement
Le Conseil de gouvernement qui s’est tenu hier mardi a adopté le programme gouvernemental, dans l’attente de sa présentation jeudi devant les deux chambres du Parlement. Le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane a lui-même qualifié de « très ambitieux » ce programme « qui répond aux attentes des Marocains », appelant les membres de son cabinet à « œuvrer pour sa mise en œuvre sous forme de plans sectoriels ».
Au-delà des effets d’annonce, l’enthousiasme du chef de gouvernement est à tempérer, au regard de la situation difficile dans laquelle se trouvent les principaux indicateurs économiques et financiers du pays.
En effet, Bank Al Maghrib (BAM – Banque centrale marocaine) tire la sonnette d’alarme dans son dernier rapport de conjoncture. Se basant sur des données arrêtées au 6 janvier de cette année, le rapport met en évidence certaines fragilités structurelles économiques.
Commençons par le secteur qui donne le ton de l’économie marocaine, à savoir l’agriculture. Si 2011 s’est achevée sur une progression de la valeur ajoutée agricole, le rapport de BAM fait état « de fortes incertitudes quant à la performance du secteur en 2012 ».
Mêmes préoccupations concernant le secteur secondaire. La quasi-totalité des branches d’activités accusent un net repli, à l’exception toutefois des industries mécaniques, métallurgiques ainsi que le secteur du bâtiment et travaux publics, ce dernier devant sa bonne santé à l’accroissement des ventes de ciment de 9,25%.
Le taux d’utilisation des capacités de production a, quant à lui, stagné aux alentours de 74%, principalement en raison de la hausse de la demande sur l’énergie électrique et la hausse des prix à la production des industries manufacturières. La variation moyenne de cet indice se chiffrant à 14,9%.
Autre indicateur dans le rouge, l’indice des prix à l’import, qui a connu une hausse fulgurante de 22,4%. Ce qui, selon les analystes de Bank Al Maghrib, s’explique par « une progression plus importante des prix des importations des produits alimentaires, miniers, ainsi que les produits semi-finis ».
Tourisme et finances publiques en berne
Le tourisme, l’une des principales sources de devises du royaume, affiche des performances mitigées. Si les recettes de voyages n’ont progressé que de 4,6% (au lieu de 8% l’année précédente) pour atteindre 55 milliards de dirhams, les principaux indicateurs touristiques ont accusé une baisse dans l’ensemble.
Le taux d’occupation des établissements classés s’est replié à 41%, les nuitées quant à elles ont accusé un recul de 6%. Une situation à mettre sur le compte de la baisse des réservations des non-résidents, qui pointe à 10%, et dont les projections font état d’une nette décroissance pour l’ensemble de la région.
Les finances publiques ne sont pas dans une meilleure forme. Le déficit budgétaire a atteint 42,2 milliards de dirhams, faisant état d’une aggravation de plus de 11 milliards de dirhams. Les dépenses globales ont de leur côté progressé de 15,6%, en raison de la conjugaison de deux facteurs : l’explosion des charges de compensation (45,6 milliards de dirhams) et l’accroissement des dépenses du personnel.
Les projections font état du maintien de cette tendance haussière pour 2012, ce qui risque de mettre à mal la stratégie gouvernementale en faveur de l’emploi. Le taux de chômage ayant augmenté de 9,1% en 2011, surtout dans le milieu rural et ce, en dépit d’une bonne année agricole.
A l’instar des gouvernements précédents, Benkirane pourra toutefois compter sur les performances du secteur des phosphates, dont tous les indicateurs sont au vert. Mais pour combien de temps ?
Zakaria Boulahya