Maroc. Benkirane, de Charybde en Scylla
Le chef de gouvernement se souviendra longtemps de cette semaine. Benkirane et son équipe ont en effet essuyé des salves de critiques émanant des partis de l’opposition, portant tant sur le détail de leur programme que sur la forme de certaines pratiques considérées anticonstitutionnelles.
C’est le RNI de Mezouar qui a ouvert les hostilités. Le député Rachid Talbi Alami, ancien ministre des Affaires générales sous le gouvernement de Driss Jettou, a décortiqué les mesures figurant dans la déclaration gouvernementale.
Pour le député RNI, Benkirane s’est contenté de s’approprier les mesures de l’ancien gouvernement Abbas El Fassi, faisant référence à l’octroi d’aides directes aux familles démunies sous condition de scolariser leurs enfants, ou encore la mobilisation d’un milliard de dirhams pour le Fonds de développement rural.
Visiblement inspiré, Rachid Talbi Alami s’est interrogé sur les chiffres et objectifs du gouvernement, notamment en matière de réduction du chômage. Sans pour autant analyser les mesures proposées par Benkirane, Alami s’étonne que « ces objectifs reposent sur des statistiques officielles du HCP », un rappel subtil des critiques du PJD à l’égard du travail du Haut Commissariat au Plan, du temps de l’opposition.
Le député RNI n’a pas manqué l’occasion de tacler les autres partis de la majorité. Signalant l’absence d’engagement clair du gouvernement en faveur des droits de l’Homme et du respect des conventions internationales, Alami en a profité pour fustiger non sans ironie le PPS (parti du Progrès et du Socialisme) de Nabil Benabdellah, en « félicitant les camarades progressistes et modernistes qui se sont alliés avec le PJD ».
Une brèche dans laquelle s’est engouffré Ahmed Zaidi de l’USFP, qui rappelle à Benkirane que « vos adversaires d’hier sont aujourd’hui vos alliés ».
« Pas de chèque en blanc au gouvernement »
D’autres partis de l’opposition ont fait part de leur méfiance quant aux chances de succès du gouvernement Benkirane. « Nous ne donnerons pas de chèque en blanc au gouvernement car les premiers indicateurs ne sont pas rassurants. Il existe un écart entre le programme du gouvernement et les programmes électoraux des partis le constituant », note Hakim Benchamasse du PAM, l’ennemi juré du PJD.
Même son de cloche de la part de l’UC (Union Constitutionnelle), dont le président du groupe parlementaire, Driss Erradi, estime que « le programme du gouvernement manque d’imagination. Les attentes étaient énormes, mais il semble que le gouvernement n’a pu faire un bilan du legs d’Abbas El Fassi ».
Au final, ces gesticulations politiques n’ont pas entravé le vote de confiance qui s’est déroulé hier jeudi au Parlement. 213 députés ont voté pour l’investiture constitutionnelle du gouvernement Benkirane, contre 137.
Un résultat qui doit beaucoup au manque d’alternatives constructives de la part de l’opposition, face au discours fédérateur d’un Benkirane « patriotique » qui a insisté sur « la coupure qui doit être opérée avec le passé ».
Zakaria Boulahya