Maladie d’Alzheimer : l’oubliée du Maroc
Au Maroc, on ne prend pas au sérieux les menaces pernicieuses de sieur Alzheimer. Un colloque international sur la maladie a été annulé fin septembre en raison d’insuffisance de fonds. Que nos vieux perdent la tête, ce n’est pas bien alarmant… pour le moment.
Pas moins de 80.000 personnes sont actuellement diagnostiquées porteuses de la maladie dégénérative. Un chiffre qui comme d’habitude ne reflète que la partie apparente de l’Iceberg au Maroc, la maladie étant sous-diagnostiquée selon l’Association Maroc Alzheimer (AMA), qui a dû renoncer à son colloque faute de moyens.
Des chiffres pour les mémoires courtes
« C’est avec un très grand regret que le comité organisateur du Colloque a dû prendre la décision de renoncer à la tenue de l’événement », déclare le communiqué de l’Association Maroc Alzheimer qui annonçait en grande pompe l’organisation de la rencontre autour de « La maladie d’Alzheimer, du diagnostic à la prise en charge médicale et sociale ».
La maladie est certes moins vendeuse qu’un diabète ou un cancer. La communauté touchée est en général sénile et sous-valorisée, du moins par les pouvoirs publics qui « ne se sont pas sentis concernés par la tenue de cet évènement et les personnes touchées par ces problèmes ainsi que leurs proches », explique-t-on sur le même communiqué.
A la tête de l’AMA, Khadija Tantaoui ne cesse de marteler que « dans chaque foyer marocain, il y a un vieillard qui risque de développer Alzheimer ». « Il faut arrêter de prendre cette maladie à la légère ! », s’indigne-t-elle. En effet, 5% des plus de 65 ans, 10% des plus de 75 ans et jusqu’à 20% des plus de 90 ans sont diagnostiqués porteurs de la maladie, selon le docteur Mustapha Oudrhiri, spécialiste en médecine interne et en gériatrie et président de l’Association de gérontologie espoir (AGE).
Si le nombre actuel des Marocains âgés de plus de 60 ans ne dépasse pas les 8,1% de l’ensemble de la population, l’évolution démographique du pays portera ce nombre à 15,4% en 2030, selon les prévisions du Haut commissariat au plan. La croissance de cette catégorie sera de 3,5% par an, entre 2010 et 2030, contre 0,9% pour le reste de la population, en raison de l’évolution culturelle et la maîtrise de la contraception. Plus de gens seront donc menacés de l’incidence de la maladie dégénérative. Alzheimer représente une vraie problématique pour la santé publique, d’autant plus qu’elle est difficile à prendre en charge.
Alzheimer, une folie comme une autre
Dans l’absence de toute structure dédiée à la prise en charge d’Alzheimer, le coût de l’unique médicament disponible au Maroc est évalué à 1.100 DH par mois, au désespoir des familles qui, souvent, ne bénéficient d’aucune sécurité sociale.
Il n’y a pas assez de spécialistes pour répondre à la forte demande des malades et de leurs familles. Et même le spécialiste le plus chevronné peut se tromper sur le diagnostic, la maladie d’Alzheimer partageant les symptômes de plusieurs autres affections psychiatriques, ou même purement organiques. Les proches du malade l’acceptent donc comme une fatalité, sans jamais consulter de médecin. Le cas échéant, le patient peut se retrouver dans un hôpital psychiatrique, là où son état psychique ne peut que se détériorer.
Même prise en charge, la maladie est incurable et réduit considérablement l’espérance de vie de la personne atteinte. L’entourage familial du patient a un rôle fondamental dans l’accompagnement du malade. Il lui est souvent très pénible de cohabiter avec. C’est un combat de tous les jours, voire un sacrifice, surtout dans une société comme la nôtre, où la personne âgée est respectée et que la maison de retraite est synonyme d’abandon et d’ingratitude.
Ecarter Alzheimer des programmes nationaux de santé publique ne le fera pas partir. On attend donc le prochain colloque sur la maladie, en espérant palper le soutien de tous les acteurs efficients capables d’atténuer le triste sort des patients et le calvaire de leurs familles. On l’oublie trop souvent, la jeunesse n’est pas éternelle.