Libye- Un ancien d’Al Qaïda à la tête des troupes qui ont libéré Tripoli

Une nouvelle page s’ouvre lentement en Libye sous le regard vigilant et circonspect de ses voisins. Les inquiétudes sont en effet nombreuses, on a bien vu en Tunisie et en Egypte combien la transition peut s’avérer délicate. Les deux principales craintes sont les suivantes : d’une part le risque d’instabilité dans un pays tribal où énormément d’armes circulent librement ; et d’autre part, le risque de voir des islamistes, voire des jihadistes, arriver au pouvoir. La Libye deviendra-t-elle une démocratie ? Une république islamique ? Un fief jihadiste ? Un futur Irak ? Ou sera-t-elle démembrée entre les tribus ?

Un non-Etat, victime du délire populiste de Kaddafi. En Libye, il y a peu d’institutions. La notion d’Etat moderne n’existe pas. Kaddafi régnait à travers des comités populaires, des allégeances tribales et la redistribution de la rente pétrolière. Le CNT (Conseil National de Transition) ne pourra pas s’appuyer sur grand-chose pour diriger le pays.

Une unité difficile. Fédérer le pays va être une tâche ardue. 150 tribus sont recensées, dont certaines restent loyales à Kaddafi ; la plupart des tribus sont armées ; le pays est très étendu et peu peuplé.  Des armes ont été distribuées à grande échelle dans le pays, des milices se sont constituées et il va être difficile de récupérer tout le stock.

Qui a tué Abdelfattah Younès ? Le chef militaire des rebelles libyens, membre du CNT, était le général Abdelfattah Younès, ancien ministre de l’Intérieur de Kaddafi et rallié de la première heure. Il est détesté par les islamistes qu’il avait traqué impitoyablement. Le 28 juillet, il a été tué ainsi que les deux colonels qui l’accompagnaient et les trois corps à moitié brûlés, jetés sur la voie publique à l’entrée de Benghazi. Pour ne pas affaiblir la rébellion, la direction du CNT n’avait pas donné d’indications au sujet de cette mort. Mais avant-hier mercredi, après la chute de Tripoli, l’un de ses responsables a expliqué que les assassins étaient connus : il s’agit bien de membres d’un groupe islamiste affilié au CNT.

Le mystère Abdelhakim Belhaj.  Le chef militaire qui a pris Tripoli et le camp de Bab Elaziziya est … un ancien d’Al-Qaïda.

Abdelhakim Belhaj, c’est son nom, est né en 1966 à Tripoli. Il est ingénieur de formation. Très tôt, il s’est intéressé à l’islam politique puis au jihadisme. Il fait la guerre en Afghanistan et a effectué de multiples séjours dans les pays de l’internationale jihadiste tel que le Soudan. Il a créé le GICL, Groupe combattant islamique libyen. Son cheikh et mentor n’est autre que Abdellah Azzam, idéologue d’Al Qaïda.

Arrêté en 2004 par les Américains, remis aux Libyens qui l’ont embastillé, il effectue une « révision idéologique » suite à laquelle il est libéré en mars 2010 ainsi que plusieurs de ses compagnons.

Dans les milieux jihadistes internationaux, tout en mettant en relief la part qu’il a prise dans la chute de Tripoli, on semble hésiter entre le traiter de renégat proche des Frères musulmans ou bien le considérer comme un enfant prodigue.

Cet homme est pour l’instant une énigme. Il ne fait aucun doute, au vu de ses déclarations, des postures qu’il prend, qu’il tentera de jouer un grand rôle dans la future Libye.

Soufia Limam