Le printemps arabe nuirait-il aux femmes ?
Elles sont sorties dans la rue, elles ont scandé des slogans sous la matraque et les balles réelles, campé jour et nuit dans les différentes places du monde arabe. Les femmes arabes laissaient de côté leurs revendications féministes pour porter la casquette du citoyen en quête de dignité. Un an après le début des révolutions, la condition de la femme semble dégringoler.
La femme arabe est éprise de démocratie. Elle la considère comme la garantie à son émancipation et à l’acquisition de ces droits élémentaires (parmi ces droits, figure le droit au travail que des millions de jeunes chômeurs et chômeuses réclament).
Le manque de liberté d’expression et la dichotomie entre un mode de vie virtuel permissif et un réel répressif ont également poussé la femme à sortir dans la rue, aux côtés de l’homme pour brandir ces slogans qui appelaient à l’abolition de la dictature et à la réforme politique.
Beaucoup de femmes ont dirigé les manifestations, mais sans mettre en avant les revendications proprement féministes. C’est que pour la majorité, le contrat était implicite. La démocratie impliquait le traitement de la femme en tant que citoyen responsable, l’égalité dans les devoirs ne pouvant signifier que l’égalité dans les droits.
Etats des lieux
Dans tous les pays arabes, ceux qui ont détrôné un dictateur comme ceux qui ont réformé leur constitution, des droits ont été promis, libellés et plébiscités par la communauté. Pourtant, après quelques mois du déclenchement des faits, le traitement de la question féminine prend des tournures inquiétantes, si ce n’est dramatiques.
La montée des islamistes dans les différents pays arabes ne prouve pas tant la religiosité de la société que la tendance conservatrice de la communauté arabe, pourtant hétérogène, contre un libéralisme souffrant d’une réputation d’amoralité et de mépris envers les sociétés traditionnelles.
Cependant, cette prise de pouvoir de groupes politiques de référentiels religieux peut avoir l’air d’une victoire de « Dieu » et donc d’une moralité collective, dans laquelle certains droits déjà acquis peuvent être menacés.
En Tunisie, là où la femme voilée a longtemps été persécutée, c’est la femme non voilée qui se voit malmenée par les moralisateurs violents, tous des citoyens lambda qui s’improvisent garants du respect de la religion.
En Egypte, c’est l’armée même qui dépasse tous les codes du respect des droits de l’Hommes en infligeant aux manifestantes des tests de virginité humiliants sous prétexte qu’elle se protège des accusations de viol contre ses officiers. Les images récentes de la jeune femme dénudée et tabassée par les soldats font toujours le tour du net.
Au pays des pharaons même, les photos de nu de la jeune blogueuse Alya lui ont valu les pires menaces de mort et de lapidation. Et à moindre mesure, l’actrice marocaine, Latefa Ahrrare, a vu se créer un groupe sur facebook intitulé « tuer Latefa Ahrrare c’est sauver le Maroc ! ». Chose à laquelle Abdelilah Benkirane a répondu par un appel téléphonique de soutien passé à l’actrice.
Si au Maroc, la constitution a apporté des droits supplémentaires, allant de l’égalité vers la parité, il serait bon de vérifier l’application du texte dans les élections législatives du 25 novembre.
Une soixantaine de sièges pour les femmes sur 395 sièges et à peine trois dames proposées dans le futur gouvernement : Bassima Hakkaoui représentant le PJD et proposée en tant que ministre de la Famille et de la solidarité. Kenza Ghali proposée par l’Istiqlal pour tenir le portefeuille de l’Education nationale. Et Kajmoula Bent Abi que le PPS propose pour le poste de secrétaire d’Etat auprès des Affaires étrangères et de la coopération. Aucune femme n’est suggérée par le Mouvement Populaire.
Contre 7 femmes ministres dans le gouvernement de Fassi, la représentativité médiocre de la femme dans l’actuel exécutif est à prendre comme un recul pour sa condition.
Fedwa Misk