Le Maroc vend ses prisons
Pas moins d’une quarantaine de prisons sont mises en vente par l’Administration pénitentiaire et de la réinsertion du Maroc. En raison du délabrement de ces prisons, datant pour la plupart du protectorat, quelque 4 500 hectares de terres sont actuellement « condamnés à l’incarcération » !
Les bâtiments construits entre 1912 et 1956 ne sont plus en mesure d’héberger des prisonniers et ne répondent plus aux normes de sécurité requises pour des édifices de ce genre. Plusieurs prisons sont déjà fermées, à Tétouan, à Casablanca, à Khouribga ou à Béni Melal. Au total, quarante prisons qui vont être fermées pour ces mêmes raisons.
Dans un entretien accordé au quotidien marocain L’économiste, le délégué général de l’Administration pénitentiaire et de la réinsertion Hafid Benhachem a annoncé qu’en remplacement de ces édifices abandonnés, d’autres prisons seront construites.
La prison marocaine fauchée
Mais pourquoi vendre le domaine foncier des prisons si l’on compte en reconstruire d’autres ? La réponse n’est pas bien difficile à deviner. La majorité des prisons occupent des terrains très prisés actuellement et dont les revenues de vente rapporteraient énormément à l’Etat. Par exemple, la prison agricole d’El Jadida, El Âader, repose sur quelque 2 200 hectares de terrains agricoles de très bonne qualité pour la culture comme pour l’élevage. L’Office chérifien des phosphates (OCP) se place déjà sur la liste des acquéreurs potentiels.
« Si nous sommes amenés à construire un nouveau pénitencier en dehors de ces terres, nous n’en aurons plus besoin. Mais à condition de bénéficier d’une partie des revenus de ces ventes », explique Hafid Benhachem qui observe depuis un moment l’augmentation des charges de son administration. « Le budget santé et alimentation a triplé. Pour la santé, il est passé de 9 millions de DH à 20,5 millions de dirhams. Concernant l’alimentation, son budget est de 15 DH/détenu/jour contre 5 DH auparavant », étaye le délégué.
Des charges qui ne sont pas près de diminuer au vu de la création de nouveaux centres. Prochainement, un institut national de l’Administration pénitentiaire sera ouvert à Tifelt. Si le foncier appartient à l’Etat, l’administration pénitentiaire devra bénéficier d’une partie des revenues de la vente. Il s’agit en somme de 4 500 hectares de terres agricoles ou urbaines : un capital important.
Vers des prisons plus humaines
Evidemment, on n’attendra pas la vente des terrains pour construire de nouvelles prisons. Il faudra bien loger les 65 000 détenus du Maroc. Un chiffre qui ne compte pas les détentions provisoires et les gardes à vue qui le font culminer à 90 000. L’Etat a débloqué en 2011 un budget de 325 millions de dirhams pour le remplacement progressif des prisons en question.
A ce stade, il faudra prévoir des institutions qui répondent aux besoins du monde carcéral et aux problèmes dont il souffre. Outre le problème de surpopulation qui engendre inéluctablement des soucis sécuritaires, l’infrastructure sanitaire doit se renforcer, le milieu carcéral étant un environnement épidémique insalubre. Dernier point mais pas des moindres, la séparation des profils psychologiques des prisonniers peut éviter l’enlisement du détenu dans la criminalité et faciliter sa réinsertion à la sortie de prison. Il en faut du terrain pour construire des établissements de ce genre !
Fedwa Misk