La chronique du Tocard. L’amour à travers le Mur – Suite et fin

 La chronique du Tocard. L’amour à travers le Mur – Suite et fin


 


Les sentiments étaient réciproques, leur amour d’une sincérité homérique, aussi fort que la mort, d’une pureté égale à un diamant, et pourtant, la vie qui était seule maitre à bord, avait décidé de les séparer. 


 


Ahmad, habitant d’un camp de réfugiés de Naplouse, un damné de la terre, ne croiserait sans doute plus jamais le regard de Soraya, une Palestinienne de Sheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem, la fille qu’il avait aimée au premier clin d’œil et avec laquelle il pensait se réveiller chaque matin. 


Il y a deux semaines, elle était partie vivre aux Etats-Unis indéfiniment avec ses parents et il n’avait pas d’autre choix que de l’oublier. C'était déjà assez difficile quand Soraya habitait Jérusalem, alors l'Amérique…


Leur histoire, bien que compliquée sur la feuille de la vie, avait démarré de toute beauté, à l’arrêt d’un autobus, pas très loin de Ramallah, en Cisjordanie occupée, il y a deux ans, tel un tremblement de cœur et elle s’était finie cruellement au téléphone, de la pire des manières qu’il soit. 


Elle l'avait appelé, comme elle le faisait tous les jours, cette fois-ci, pour lui annoncer la terrible nouvelle de la séparation. Elle mettait un terme à leur idylle amoureuse qui n’avait pourtant pas été consommée physiquement, n’échangeant même pas le moindre baiser avec Ahmad, rendant encore sans doute plus forte leur relation platonique. 


Au téléphone, Soraya avait tenu bon, solide comme le sont souvent les femmes, contenant, tant bien que mal ses larmes. Au lieu de lui dire qu'elle partait aux Etats-Unis, elle avait préféré lui mentir sur toute la ligne, un mensonge destiné à protéger l’homme qu’elle aimerait toute sa vie et avec lequel elle savait l’avenir impossible.


Soraya avait dit à Ahmad que son cœur avait trouvé quelqu’un d’autre à aimer et qu’elle était désolée pour tout le mal qu’elle était en train de lui faire. Elle savait que c’était le seul moyen pour qu’il l’oublie. Elle m’avait fait promettre de ne rien dire à Ahmad. Le temps finirait par cicatriser les blessures du jeune homme, pensait-elle.


Elle faisait peut-être la plus grosse connerie de sa vie mais c’était l’amour et seul l’amour, qui guidait ses actes. Soraya l’aimait tellement qu’elle avait choisi de le laisser partir, plutôt que de le retenir… 


Pourtant, la jeune fille avait cru à cette histoire avec Ahmad. Elle s’était laissée prise au jeu de l’amour qui fait trembler l’ensemble de ton corps, attendant avec impatience que chaque mardi vienne la mettre sur la route de cet inconnu, un garçon dont elle allait très vite tombé raide dingue amoureuse.


Il y a un peu plus de deux ans maintenant, les deux s’étaient croisés au hasard d’un trajet en autobus, juste en dehors de Ramallah. Ils avaient tous les deux attendus des kilomètres leur transport qui ne venait pas, les obligeant à converser.


Ahmad, coincé comme la grande majorité des Palestiniens à l’intérieur de la Cisjordanie occupée, retournait sagement chez lui à Naplouse. Soraya, elle, un peu plus libre de ses mouvements, s’en allait à Jérusalem, retrouver les siens, une ville qu’Ahmad, 28 ans au compteur, n’avait jamais pu voir autrement que sur internet.


Pendant quelques mois, ils se croisaient chaque mardi toujours au même endroit, toujours à la même heure, toujours avec le même bonheur, une semaine qui n’existait que pour ce moment précieux qu’ils partageaient égoïstement. Les deux s’aimaient sans se le dire, les regards qu'ils se lançaient ne mentaient pas, un amour rendu difficile, parce que séparés par le mur de la honte.


Malgré les demandes répétées auprès des autorités israéliennes, Ahmad n'avait pas pu se rendre à Jérusalem pour retrouver sa douce princesse. Un jour, Soraya avait disparu. Ahmad, ne lâchant pas l'affaire, avait fini par retrouver sa trace… deux ans plus tard.


Il s’était rappelé d'un café de Jérusalem où elle avait l’habitude de se rendre et il m’avait demandé d’aller la retrouver. Je l'avais vue et sur place, j'avais appelé Ahmad et tous les deux avaient alors pleuré de bonheur au téléphone, s'avouant alors qu'ils s'aimaient à ne plus savoir où faire battre leurs coeurs. 


Il y a deux semaines, la jeune fille avait quitté la Palestine Occupée pour les Etats-Unis. Elle m'avait demandé de lui donner régulièrement des nouvelles d'Ahmad. Mon ami, lui, ne donnait plus de signe de vie…


Nadir Dendoune


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