L’Algérie est-elle un nid douillet pour les corrompus ?
En Algérie, les corrompus peuvent dormir tranquilles. L’écrasante majorité des Algériens rechigne à dénoncer la corruption qu’ils considèrent pourtant comme un « crime » contre l’économie du pays. C’est là la conclusion d’une étude menée par la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) dont les résultats ont été rendus publics hier mardi.
La majorité absolue des personnes approchées dans le cadre d’un sondage de la LADDH a confié sa crainte de dénoncer des affaires de corruption où sont impliqués de hauts fonctionnaires de l’État, alors que 82% d’entre elles considèrent la corruption comme étant un crime.
Sur un échantillon de 1 600 personnes, pas moins de 88% d’entre elles assurent « ne pas se sentir protégées » contre des menaces ou d’éventuelles représailles de la part de personnes influentes si elles témoignent contre elles dans une affaire portant atteinte à l’économie nationale.
Un manque de confiance en la justice
Quels sont les causes qui sont à l’origine du rebut des Algériens à dénoncer les faits de corruption ? Quelque 51,8% des sondés avancent la crainte « d’être impliqués pendant l’instruction » contre 43,9% qui se retiennent à cause de l’absence de documents prouvant les faits, pendant que 17% se cachent derrière la peur d’être traités de « délateurs».
Autre taux intéressant : 46,1% des personnes interrogées assurent que, lorsqu’elles sont en possession d’une information sur une affaire de corruption ou de dilapidation de deniers publics, elles préfèrent alerter directement l’opinion publique (presse, associations, société civile…) plutôt que de se rapprocher de l’autorité judiciaire (36,8%).
Tous ces chiffres dénoncent en fait une réalité connue de tous : les Algériens ont peu confiance en leur justice et, par ricochet, en leur Etat.
Pour preuve, pas moins de 85% des sondés estiment que les peines prononcées contre les personnes impliquées dans les affaires de corruption sont « légères ». Ce qui n’est pas tout à fait faux puisque des personnalités publiques comme l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil et l’ancien président de l’Assemblée populaire nationale (APN) Amar Saïdani n’ont pas été inquiétés par la justice alors que leurs noms sont cités dans de graves affaires de corruption.
Créer le débat…
Outre l’absence de confiance en l’Etat, il y a aussi le problème de la méconnaissance de la loi (78%) qui empêche les Algériens de s’impliquer dans la lutte contre la corruption.
L’enquête de la Ligue présidée par Me Bouchachi a été menée à travers 24 wilayas du pays. 62% des personnes interrogées sont des hommes, en majeure partie âgés entre 18 et 40 ans (56,4%) et sont des fonctionnaires (51%).
Pour M. Mustapha Atoui, coordinateur de la cellule chargée de l’enquête, l’objectif de ce sondage est de « créer le débat dans la société » autour de ce phénomène. Sa conviction est que « sans l’implication des citoyens, tous les efforts sont voués à l’échec».
Après le rapport accablant de Transparency international qui classe à l’Algérie la 112ème place sur 183 pays, vient cette étude de la LADDH qui explique, en partie, les raisons de la propagation inquiétante du phénomène de la corruption en Algérie, dont le nœud gordien est l’absence d’une réelle volonté politique chez les autorités d’y mettre un terme.
Yacine Ouchikh