L’Algérie craint la menace terroriste suite au conflit libyen
L’Algérie risque-t-elle de renouer avec la décennie noire qui a mis le pays à feu et à sang dans les années 90 ? Les attentats qui ont repris à l’intérieur du pays traduisent un regain de violence. La situation sécuritaire de la Libye et dans une moindre mesure de la Tunisie et les armes qui transitent à leurs frontières font de l’ensemble de la région une mini-poudrière prête à exploser d’un moment à l’autre.
Dans ce contexte de sensibilisation de l’opinion internationale sur la menace terroriste, une rencontre débat sur « le danger de la menace terroriste à la lumière de la situation en Libye», s’est tenue samedi dernier à Alger et a réuni des experts nationaux et internationaux.
Les intervenants ont été unanimes à estimer que le conflit libyen fait planer sur l’ensemble de la région, aussi bien les pays voisins que ceux sur la rive méditerranéenne, un danger imminent.
La rencontre qui a également vu la participation de certains ambassadeurs accrédités à Alger, des experts du Centre français de recherches et d’études sur le terrorisme ainsi que des universitaires algériens, a été l’occasion de présenter des rapports sur la situation profondément inquiétante qui prévaut dans les régions algériennes frontalières avec la Libye.
Pour Saïda Benhabyles, ancienne ministre algérienne et présidente de la Fédération internationale des associations des victimes du terrorisme, « l’Algérie, le peuple algérien et la société civile algérienne qui est née dans la douleur, sont conscients des conséquences dramatiques de ce danger », car, a-t-elle ajouté, « ils ont payé un lourd tribut dans leur combat contre le terrorisme ». Fustigeant dans son allocution la politique de « deux poids, deux mesures » menée par l’Occident.
Elle a manifesté son incompréhension à l’égard de certains pays occidentaux qui encouragent « les liaisons dangereuses d’avant le 11 septembre 2001 ». En ajoutant : « Nous ne comprenons pas que l’Occident joue avec le feu pour sauvegarder ses intérêts économiques et géostratégiques, avec le renforcement des rangs et du rôle d’Al Qaida dans la région du Sahel qui risque de devenir leur sanctuaire et leur zone de No man’s land », a-t-elle encore dénoncé.
De son côté, Eric Denécé, Directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, a présenté une analyse selon laquelle: « La Libye qui se trouve être en déstructuration constitue un facteur énorme de propagation du terrorisme dans la zone sahélo-sahélienne », en ajoutant « nous faisons face à des zones dites noires en Libye où des islamistes extrémistes et radicaux sont présents et profitent de ce désordre».
La rencontre a également été l’occasion pour débattre de la question extrêmement préoccupante des armes qui transitent par les frontières. Les dépôts d’armes pillées dans les casernes et celles livrées aux rebelles libyens et à certaines tribus par les pays membres de l’OTAN, ajoutant à cela le manque de contrôle des frontières par les Libyens incitent les groupes terroristes, comme les trafiquants d’armes (notre article d’hier), ainsi que les réseaux du crime organisé à prospérer en tirant profit d’une situation devenue chaotique et incontrôlable.
La coopération dans la lutte antiterroriste dans la région subsaharienne « ne peut se faire si on ignore l’Algérie », qui a recueilli une longue expérience et de l’expertise en la matière, a affirmé pour sa part le président du Centre international de recherche et études sur le terrorisme, Yves Bonnet. Il a dénoncé, lui aussi, « la politique des deux poids deux mesures », quant à l’application des résolutions relatives à la Libye et non pas celles concernant la Palestine.
In fine, les participants à la rencontre ont appelé l’opinion internationale et les Nations unies à prendre conscience des dangers tels la résurgence de l’islamisme radical et le crime organisé qui guettent certains pays de la rive sud de la Méditerranée, en alertant sur le «danger du non-respect des principes fondamentaux du droit international qui puisent leur source des valeurs intangibles contenues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme».
Soufia Limam