Justice française: nouveau projet de loi
Engagée le 13 avril dernier, la procédure accélérée du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs avait suscité des contestations. Le 19 mai dernier, le sénat a finalement adopté à l’assemblée nationale ce projet de loi à 171 voix contre 155.
Des jurés populaires
Pour Jean-René Lecerf, sénateur UMP du Nord et rapporteur de ce projet de loi , «il s’agit de réconcilier les citoyens avec leur justice en faisant en sorte de prévoir la présence plus forte des représentants du peuple au niveau de cette justice pénale, cela entraîne le fait qu’il y aura désormais des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels et en appel des jugements des tribunaux correctionnels». Le texte proposé par les sénateurs prévoit également d’instituer deux formations de cour d’assises : une formation de première instance qui comporterait trois juges et six jurés au lieu de neuf, et une formation d’appel composée de trois magistrats et neuf jurés au lieu de douze.
Mais ce projet de réforme a reçu de vives critiques. Le gouvernement, lui, proposait initialement de réduire le nombre des jurés à deux. Dominique Coujard, l’ancien président de la cour d’assises de Paris, avoue ne pas percevoir la pertinence de cette réforme. «On met des jurés populaires en correctionnelle sous prétexte de rapprocher le peuple et la justice, et dans le même temps, on en enlève là où ils siégeaient déjà». Du côté de l’opposition, on dénonce «une logique populiste» faisant redouter une plus grande sévérité de la part des jurés populaires que des magistrats dans les affaires à juger.
Justice des mineurs
La seconde partie du projet de loi porte sur une modification de l’ordonnance de 1945 (primauté de l’éducatif sur le répressif dans le traitement de la délinquance juvénile). Il s’agit de créer des tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes âgés de plus de seize ans et encourant une peine de plus de trois ans. Mais là aussi, le texte suscite de nombreuses critiques.
Dans un communiqué du 23 mai, l’Unicef a pointé le fait que la promulgation de cette loi porterait atteinte à certains fondamentaux de la justice des mineurs, rappelant que la création d’un tel tribunal pour les 16-18 ans est contraire à la convention internationale des droits de l’enfant car ces derniers doivent bénéficier d’une justice spécifique jusqu’à leur majorité. La sanction des parents dits défaillants fait également partie de ce projet de loi, ce que dénonce l’ONG qui souligne que ces derniers doivent être «épaulés». Jacques Hintzy, président de l’Unicef France rappelle qu’«en accord avec la convention internationale des droits de l’enfant, traité international ratifié par la France, il est important de souligner la nécessité de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant. Sans tomber dans l’angélisme primaire, un enfant délinquant est avant tout un enfant en danger».
Entrée en vigueur de la loi
Bien que suscitant des réserves aussi bien au sein de l’opposition que de la majorité notamment en raison du coût financier et du caractère urgent à légiférer dans un tel domaine, les sénateurs devront statuer au plus tard le 14 juillet sur ce projet de loi de réforme de la justice. Dans le cas d’une promulgation de celle-ci, elle ferait l’objet d’une expérimentation dans plusieurs cours d’appel avant d’entrer en vigueur le 1er janvier 2014.