International. Le rapport annuel Amnesty International critique un Conseil de sécurité «usé»

 International. Le rapport annuel Amnesty International critique un Conseil de sécurité «usé»

Salil Shetty


L’ONG Amnesty International a rendu aujourd’hui son 50e rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde pour l’année écoulée. L’organisation ne ménage pas sa critique envers le Conseil de sécurité de l’ONU et certains pays faisant passer leurs intérêts avant les valeurs.


 


Des gouvernants qui « ont fait totalement défaut » lors du printemps arabe


Du déclenchement du printemps arabe par l’immolation du Tunisien Mohamed Bouazizi à la situation actuelle en Syrie, des gouvernants « ont fait totalement défaut, à la fois au niveau national et international ». Ils ne se sont pas montrés à la hauteur du courage des contestataires, explique le secrétaire général d’Amnesty à Londres, Salil Shetty.


Le rapport déplore notamment que des membres du Conseil de sécurité « continuent à faire primer leurs intérêts politiques et commerciaux sur les droits des peuples ». Ce document est particulièrement critique envers le conseil qui apparait « usé, déphasé et de plus en plus inadapté aux besoins ».


M. Shetty estime que « La défaillance du pouvoir politique est un phénomène désormais mondial » puisque « d’un pays à l’autre, on a vu l’an dernier des responsables politiques répondre aux manifestations par la brutalité ou par l’indifférence ». La répression des manifestations a ainsi fait au moins 300 morts en Tunisie, 850 en Égypte, 200 au Yémen, 60 au Bahreïn. De nombreux protestataires ont par ailleurs été emprisonnés ou torturés.


Le discours sur la défense des droits humains a servi de prétexte pour « servir les visées des responsables politiques ou économiques, et l’on s’empresse de le ranger au placard lorsqu’il devient gênant ou qu’il fait obstacle au profit », a poursuivi Salil Shetty en comparant les situations libyenne et syrienne.


 


La situation syrienne au cœur des critiques du rapport


Concernant la Syrie, le rapport de l’ONG dénonce la position de la Russie, principal soutien et fournisseur d’armes du régime sanguinaire de Damas, et de la Chine qui ont toutes deux bloqué plusieurs résolutions condamnant la dictature syrienne.


Amnesty regrette que le Conseil de sécurité de l’ONU apparaisse bien inefficace dans sa mission de préservation de la paix mondiale. Les autres puissances régionales sont également dans le collimateur de l’organisation, qui dénonce « le silence complice » de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud lors des soulèvements dans le monde, notamment en Syrie.


Dans ce pays, la contestation réprimée dans le sang aurait fait selon certaines sources plus de 12 000 morts depuis mars 2011. Pour M. Shetty, « il apparaît clairement et de manière impérieuse que la situation en Syrie doit être déférée à la Cour pénale internationale afin qu’elle ouvre une enquête pour crimes contre l’humanité », tout comme ce fut le cas pour le régime de Kadhafi en Libye.


Au lieu de cela, « La détermination de certains membres du Conseil de sécurité à protéger la Syrie à tout prix permet à celle-ci de ne pas rendre de comptes pour ces crimes ».


 


Un traité fort sur le commerce des armes


La conférence des Nations unies prévue en juillet prochain en vue de l’adoption d’un traité sur le commerce des armes sera l’épreuve de vérité pour les responsables politiques. Ils devront démontrer leur capacité à placer le respect des droits humains au-dessus du profit.


Sans un traité fort, le Conseil de sécurité de l’ONU semble promis à l’échec dans son rôle de gardien de la paix. Il faut cependant rappeler que les membres permanents sont en situation de conflit d’intérêts puisqu’ils sont les plus importants fournisseurs d’armes de la planète.


Mais, Salil Shetty souhaite faire de 2012 « l’année de l’action » après que « les manifestants ont montré que le changement était possible » en 2011.


 


La situation des droits de l’homme dans le monde a besoin de plus que la chute de quelques tyrans


Ce 50e rapport d’Amnesty International recense des restrictions à la liberté d’expression dans 91 pays et des cas de torture ou d’autres mauvais traitements dans 101 pays.


La disparition de quelques dirigeants n’est pas suffisante pour « instaurer un changement durable ». L’ensemble des gouvernants doit « prendre au sérieux leurs responsabilités au niveau international et investir dans des systèmes et des structures qui garantissent la justice, la liberté et l’égalité devant la loi. »


Par ailleurs, le rapport de l’ONG dresse une liste des pays où les droits de l’homme sont particulièrement bafoués. Ainsi, la répression des manifestations en Chine et en Russie s’est faite avec une violence inédite depuis des décennies. Ces pays utilisent tout leur arsenal pour étouffer la contestation interne.


Il n’y a aucun signe d’amélioration de la situation dans les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale : Ouzbékistan, Turkménistan et Azerbaïdjan en tête. On apprend également que la force a été utilisée pour réprimer des mouvements de contestation en Afrique subsaharienne (Angola, Ouganda, Sénégal, etc.), en Corée du Nord et en Amérique latine (Brésil, Colombie et Mexique).


De même, l’ONG s’indigne de l’absence de réaction face aux exactions commises dans certaines zones de guerre. Il s’agit en particulier des Territoires palestiniens (notamment le blocus de Gaza et la lutte entre Fatah et Hamas) et du conflit entre les deux Soudans.


 


Quelques progrès à signaler


La libération de 300 prisonniers politiques au Myanmar (Birmanie) et l’autorisation accordée à Aung San Suu Kyi pour se présenter aux élections font partie des quelques motifs de satisfaction du rapport. Mais, l’évolution de ce pays reste limitée en raison de la main mise des militaires sur l’ensemble de l’appareil politique.


Il faut également se réjouir de la tendance mondiale en faveur de l’abolition de la peine de mort et du lent recul de l’impunité des anciens criminels dans les Amériques. En Europe, l’arrestation du général Ratko Mladic et du Serbe de Croatie Goran Hadžic et leur transfert au Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie montrent également une volonté politique de ne pas laisser les crimes de guerre impunis.


 


Rached Cherif