France – Une candidate qui n’a pas froid aux yeux

 France – Une candidate qui n’a pas froid aux yeux

Kenza Drider

Elle se porte candidate aux élections présidentielles françaises, pour, dit-elle, « défendre les droits et libertés des femmes ». Elle s’appelle Kenza Drider, elle a 32 ans. Et elle porte le niqab. Le courrier de l’Atlas lui a parlé.

Elle est en colère, Kenza Drider, elle a la rage. Elle en veut à la France, « 5ème puissance mondiale qui a cru qu’elle n’avait rien de mieux à faire que d’interdire à des femmes de sortir de chez elles sous prétexte qu’elles ont choisi un vêtement religieux ostentatoire ». Elle ne comprend pas en quoi le niqab est un problème, et aucun des arguments avancés pour justifier l’interdiction de le porter ne peut la convaincre : « Qu’on ne me dise pas que ce n’est pas dans l’islam ! Je suis allée chercher, je suis allée lire des historiens qui rapportent que des femmes de l’époque du prophète le portaient ! Pas toutes, certes, mais ça existait ! On peut dire que ce n’est pas une obligation, mais on ne peut pas dire comme le fait le CFCM, ces vendus à Sarkozy, que c’est une invention qui n’existe pas en islam ! », assène-t-elle. Elle veut vivre comme les femmes du prophète… des femmes qui soi-dit en passant n’avaient pas le droit de diriger ne serait-ce qu’une tribu : alors un pays ! Mais ce détail échappe de toute évidence à Kenza Drider.

Ce qu’elle veut, c’est montrer qu’une femme en niqab peut être une femme libre. « Je tiens à montrer à ce pays pour qui une femme voilée est forcément une femme sans liberté, que les femmes en niqab peuvent être actives, peuvent aller sur le terrain, peuvent se battre pour refuser que quiconque leur impose ou leur dicte leur manière de faire ou d’être ». Elle ne va donc pas s’arrêter à cette annonce qu’elle a voulu spectaculaire : elle va tenter de récolter les 500 signatures de maires nécessaires à la validation de sa candidature. Elle a déjà « un comité de campagne », une porte-parole, Hind Ammas, avec qui elle a créé en avril l’association « Citoyennes de la liberté », et un soutien infaillible en la personne d’un autre habitué des coups médiatiques, Rachid Nekkaz. C’est lui qui s’apprête notamment à financer « en partie » la campagne de Kenza Drider. Ils savent tous deux que convaincre 500 maires relève de la gageure. Notamment parce que la soutenir reviendrait à se prononcer contre la loi.

Mais surtout parce que le programme de Kenza Drider se limite presque exclusivement à l’abrogation de cette loi. Elle annonce, certes, vouloir s’attaquer à la question de l’égalité des salaires, de la parité, et vouloir défendre toutes les libertés des femmes : « Pourquoi une femme en niqab ne pourrait-elle pas défendre le droit de toutes les femmes, quelles qu’elles soient ? », affirme-t-elle. Mais le discours est encore loin d’être convaincant. Que dit-elle du droit à l’avortement, acquis du droit des femmes ? « Je suis totalement contre, mais s’il faut défendre des femmes qui dans des situations difficiles sont obligées d’avorter, pourquoi pas ? ». Voilà pour le programme de la candidate.

Quand on lui demande si finalement toute cette provocation n’est pas préjudiciable à tous les musulmans français qui en ont déjà bien assez de devoir toujours se justifier, et si elle ne risque pas de servir le discours de l’extrême-droite, Kenza Drider s’insurge : « Ce n’est pas moi qui ait fait monter le FN ! C’est ce gouvernement, avec sa fixation sur le voile, son débat sur l’identité nationale ! C’est lui qui a fait monter l’islamophobie ! ». Pas sûr que sa candidature la fasse baisser.


Hanane Harrath