France. Tensions à Aulnay-sous-Bois
Mardi soir, un jeune homme de 25 ans est décédé lors d’un contrôle de police. L’autopsie a révélé que la mort est due à une rupture de l’aorte. Sur place, on réclame justice pour ce que l’on considère comme une « bavure policière ».
« La mort est due à une rupture de l’aorte, consécutive à une malformation cardiaque », a indiqué hier mercredi le parquet de Bobigny. « D’après le médecin, la déchirure, très importante au moment du décès, avait commencé avant l’interpellation ». Le parquet a conclu que le jeune homme « était porteur d’une maladie génétique qui entraînait une fragilité des artères et des problèmes cardiaques ».
« Des conneries pour se couvrir », lâche dans un élan de colère un proche de la victime. Cité Balagny à Aulnay-sous-Bois, la tension ne redescend pas. Au pied des bâtiments en briquettes rouges, des jeunes et des moins jeunes refont le déroulé de cette soirée funeste.
« Les policiers de la BAC sont arrivés en civil dans leur Ford focus bleue. Ils sont rentrés dans le hall et lui ont sauté dessus. Il leur a dit qu’il était malade, mais ils s’en foutaient, ils ont continué à le pousser et à le violenter », nous raconte Smaïn, présent ce soir-là.
Une version que rejette Christian Lambert, le préfet de Seine-Saint-Denis. Il reconnaît que le jeune homme a été « menotté » pendant le contrôle mais « sans aucune violence », précise-t-il.
« Un jeune sans histoires »
Abdelilah El-Jabri, la victime, n’avait pas le profil du jeune à problèmes, « Toujours très gentil, poli, jamais un mot plus haut que l’autre », raconte Samira, habitante du quartier depuis de longues années. Pas de doutes pour les habitants de Balagny, les policiers ont commis « une bavure ».
Pourtant selon les dernières informations, les agents de la BAC ont essayé de le ranimer en lui faisant du bouche-à-bouche. « Trop tard », affirme Toufik, 25 ans, la mine déconfite. « Il y a deux jours un jeune est mort à Clermont-Ferrand après un contrôle, là pareil, et que va-t-il se passer ? Rien du tout, les policiers vont reprendre leur boulot comme si de rien n’était », s’agace-t-il.
Quelques mètres plus loin, les forces de l’ordre quadrillent le quartier. Un responsable dit comprendre « la douleur des proches ». À la question de savoir si leur présence peut être prise comme une provocation dans le cité, il déclare que « ce sont les directives, il faut éviter les débordements ».
Une habitante du quartier, les cheveux grisonnants, s’arrête à notre hauteur, « c’est une bavure policière, on le sait tous ici. Abdelilah n’a pas opposé de résistance, alors pourquoi l’avoir traité avec autant de violence ? ».
Le viagra de la discorde
Selon l’enquête, le jeune homme avait des produits stupéfiants dans sa poche. Les premières analyses ont démontré qu’il avait pris un viagra peu avant l’interpellation. Un médicament déconseillé pour les personnes cardiaques.
Abdelilah souffrait d’une malformation cardiaque, le cocktail médoc-adrénaline aurait-il été à l’origine du décès ? « Je n’y crois pas » nous dit Imad. « À la télé, ils veulent salir sa mémoire et innocenter les policiers. Il allait très bien avant que les flics le plaquent au sol. Ils auraient pu faire ça tranquillement, mais non, ils l’ont tué ».
Pour le moment, l’inspection générale des services (IGS) n’a pas été saisie. Les premiers éléments de l’enquête ne permettent pas de laisser supposer qu’une faute a été commise. Selon les policiers présents, tout s’est déroulé dans les règles d’usage.
Cité Balagny, on attend que toute la vérité soit faite sur ce drame. On attend aussi le maire de la ville, Gérard Ségura (PS), et les autorités : « Le maire n’est même pas venu dans le quartier. Il dit qu’il a appelé la famille de la victime mais il aurait pu venir quand même ! », s’indigne un habitant du quartier avant de manier l’ironie en direction du président : « Abdelilah, ça ne fait pas assez « français », M. Sarkozy n’allait pas se déplacer pour un jeune issu de l’immigration, ça aurait fait tâche dans sa campagne ».
Jonathan Ardines