France- « Sarkozy a craché à la figure des harkis »
Zohra Benguerrah et Hamid Gourraï, fille et fils de Harkis, ne sont pas des inconnus. De mai 2009 à mars 2011, ils avaient assiégé l’Assemblée Nationale pour obtenir la reconnaissance de leur communauté. Repartis en province pour continuer leur combat, ils ont décidé cet été de revenir à Paris. À bord de leur caravane intitulée « la longue marche des Harkis et des pieds noirs pour la reconnaissance », ils ont traversé le pays du sud au nord avec comme point d’orgue la journée nationale d’hommage aux harkis du 25 septembre. Motivés et décidés à faire plier Nicolas Sarkozy, ils sont repartis déçus mais fiers. Zohra Benguerrah nous raconte.
Comment s’est passée votre arrivée sur Paris et la cérémonie d’hommage aux harkis ?
Nous sommes arrivés sur Paris dans la nuit de samedi à dimanche. Des policiers envoyés par la préfecture étaient là pour nous encadrer. Ils nous ont offert une soupe et un peu de pain pour manger. Ensuite, ils nous ont emmenés dans le XVème arrondissement de la capitale où nous avons passé la nuit. Nous les remercions d’ailleurs pour cela, même si nous savons très bien qu’il n’ont fait que suivre les consignes, éviter que nous soyons vus dans les rues à la veille de l’événement.
Dimanche matin, nous nous sommes habillés avec des tenus militaires de l’armée française, drapeau à la main car nous sommes fiers de notre pays. Nous étions une cinquantaine et nous avions réclamé des cartes pour pouvoir assister à la commémoration mais nos attentes sont restées lettres mortes. Arrivés au niveau de la Tout Eiffel, nous nous sommes retrouvés entourés par la garde mobile. On nous a interdit d’aller sur le place des Invalides. Les policiers présents ne savaient même pas pourquoi ils nous arrêtaient. Nous avons l’intention de porter plainte.
Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?
On oscille entre déception, haine et fierté. Cette interdiction prouve que nous avons gagné. En mars 2007, Nicolas Sarkozy s’était engagé, s’il était élu, à reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis. Mais aujourd’hui, ces promesses n’ont pas été tenues. Il sait qu’il a menti et pour éviter la confrontation, il a préféré nous empêcher d’honorer la mémoire de nos pères. Il a décoré quelques personnes, déposé des bouquets puis il est parti. Pour nous, il a craché à la figure de toute la communauté.
C’est bien fait pour tous les harkis qui attendaient encore quelque chose de l’UMP et qui ont été déçus une fois de plus. Encore la preuve de la lâcheté de ce gouvernement. Il n’a même pas eu le courage de faire un discours pour la communauté.
Vous avez marché de Montpellier à Paris. Racontez-nous ce périple ?
Nous sommes partis le 22 août 2011 de la préfecture de Montpellier. Nous avons traversé 34 villes jusqu’à notre arrivée.
À travers cette marche on a vécu l’Histoire de la Vème République. Dans chaque ville nous avons été accueillis par des Français de souche. Ils nous ont ouvert leurs portes. On s’est senti soutenus, beaucoup de gens comprenaient notre démarche. Tout le monde nous a poussés à continuer. Honnêtement, c’était merveilleux.
Quels sont vos objectifs et vos attentes pour le futur ?
On va continuer le combat. Nous voulons une loi qui reconnaisse notre Histoire et qui l’enseigne à l’école. On ne veut plus que le mot ‘harki’ soit synonyme de traîtrise. Nos pères se sont battus pour leur pays, comment peut-on les traiter ainsi ? Nous ne nous arrêterons pas, on ne nous achètera pas avec des légions d’honneur. Nous réclamons honneur et dignité pour nos parents.
Le président ne peut pas rejeter la faute sur les Français. L’Etat doit reconnaître sa responsabilité, en particulier celle de Charles de Gaulle et de son gouvernement.
Nous le répéterons lors d’un congrès qui se tiendra à Montpellier les 29 et 30 octobre. Il faut que les Français se réveillent et prennent conscience de la façon dont nous sommes traités.
Jonathan Ardines