France. Rassemblement contre l’islamophobie
À l’appel du collectif « Mamans toutes égales », un meeting pour défendre la laïcité et dénoncer l’islamophobie était organisé hier soir jeudi à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Dans une bonne ambiance, anonymes et personnalités se sont succédés à la tribune pour dénoncer la chasse aux sorcières lancée contre les femmes musulmanes.
« La loi de 1905 se vide de son sens et de son essence », lance Ndella Paye, présidente du collectif « Mamans toutes égales » (MTE). Applaudissements nourris d’une salle qui affiche complet. Malgré la fin de semaine et le froid, les gens n’ont pas boudé ce rendez-vous.
Dans la salle, toutes les communautés sont réunies. Femmes voilées ou pas, maghrébins ou pas. Familles, étudiants ou jeunes couples en baskets. Tous ces gens ont répondus présents pour dénoncer la chasse aux femmes musulmanes lancée par le gouvernement. France 3 aussi n’a pas manqué l’événement, ce qui a créé une certaine effervescence dans ce joli cinéma de quartier.
Une jeune maman voilée vivant à Montreuil (Seine-Saint-Denis) vient raconter son calvaire. Luc Chatel souhaite interdire aux mères voilées d’accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires. L’école primaire Paul Lafargue de la commune a pris les devants. Depuis septembre 2008, le règlement intérieur de l’école a été modifié pour interdire aux mamans voilées de venir avec leurs enfants, « par contre les mamans qui portent une croix ont le droit d’accompagner leurs petits », raconte cette maman avec émotion.
Pendant deux ans, elles se battent, soutenues par de nombreux parents pour pouvoir être « traitées comme tout le monde ». La Halde leur donne raison mais à l’école, rien ne change. Elles déposent un dossier au Tribunal Administratif de Montreuil qui finira par leur donner tort en septembre 2011 : « Pour eux, c’était normal que l’école effectue cette discrimination ».
Les enseignants ne prennent pas position et la vie de leurs enfants devient un enfer. « Ils se sont retrouvés isolés, dans la cour, on les traitait de « musulman », ils ne voulaient plus aller à l’école, ils ne comprenaient pas pourquoi on s’en prenait à leurs mères », témoigne-t-elle.
Suzanne Bernie, une professeure du collège Politzer de Montreuil abonde dans ce sens. « Une minorité de profs laïcars à outrance mène la loi dans l’école. L’an dernier, il a fallu discuter 1h30 au CA pour qu’ils acceptent que les élèves puissent mettre un couvre-chef dans la cour quand il fait froid ».
« On nous confisque notre laïcité »
Jean Baubérot, historien et sociologue français, auteur de « Laïcité sacrifiée » intervient à la tribune. « Il ne faut pas se faire confisquer notre laïcité, l’État laïque, c’est l’État de tous les citoyens ». Tonnerre d’applaudissements dans la salle.
Puis arrive Djamila, assistante maternelle à Nanterre qui vient raconter comment elle a fait pour obtenir son agrément, ce nouveau certificat indispensable pour les femmes religieuses qui souhaiteraient garder des enfants. « Ils viennent chez vous, vous demandent : « Allez-vous faire la prière quand les enfants seront-là ? Est-ce que vous allez leur donner de la viande ? Votre mari va-t-il accepter que leur père vienne les chercher ? ». Les rires fusent dans la salle. Djamila pointe les futurs effets néfastes de cette loi : « Cette loi veut mettre les femmes voilées au chômage».
Saïd Bouanama militant n’y va pas par quatre chemins, « ça sent mauvais dans ce pays ». « Il faut combattre l’islamophobie d’État », lance-t-il en haranguant la foule.
Rokhaya Diallo, chroniqueuse à la télévision s’en prend aux médias, « eux qui en ont fait des tonnes pendant des semaines avec l’interdiction du voile intégral alors que ça concernait une infime partie de la population ». Selon elle, aucun doute, de nombreux médias ont leur part de responsabilité dans l’escalade islamophobe actuelle, « ils participent à l’éradication de la visibilité des musulmans ».
La sénatrice EELV, Esther Benbassa, parle du vote à l’assemblée sur les assistantes maternelles. Les verts ont été le seul groupe à s’y opposer. Ce qui n’a pas plu au président des radicaux de gauche qui a lancé cette proposition : « Il m’a dit qu’il allait avoir ma peau, qu’il fallait que je vote cette loi ».
Selon elle, ce n’est même pas du racisme mais plutôt de l’ignorance, « certains députés viennent de leur campagne et ne connaissent pas les musulmans. Dans leur tête, après laïcité, il y a le mot islamophobie ».
Pour la sénatrice, une seule solution, « il faut entreprendre un travail pédagogique pour les hommes politiques, mais aussi à l’école où il faut enseigner le fait religieux aux enfants ».
Jonathan Ardines