France – Mayotte s’embrase
Le 101ème département français est entré hier dans sa troisième semaine de lutte contre la vie chère. Alors que les négociations doivent reprendre jeudi, les manifestations continuent à secouer les deux îles principales (Grande-Terre et Petite-Terre). Les affrontements, parfois violents, avec les forces de l’ordre paralysent complètement un territoire déjà plombé par le chômage, la pauvreté et l’absence de ressource.
Hier lundi, malgré une nette accalmie, entre 400 et 500 personnes continuaient de manifester. De nombreuses routes étaient toujours bloquées par les barrages de police. Faute d’accord, rien ne devrait bouger avant jeudi.
Le mouvement contre la vie chère a débuté le 27 septembre dernier. À son initiative, deux syndicats, CGT Mayotte et la CFDT. Une seule revendication : la baisse des prix des produits de consommation courante, avec un alignement sur ceux pratiqués à La Réunion.
Devant l’absence de propositions concrètes, les Mahorais ont durci le ton. Tous les commerces ont été boycottés et la plupart contraints à la fermeture. Les commerçants qui réclamaient au début une protection policière pour ouvrir leur boutique ont baissé pavillon. La faute aux violences accrues de la semaine dernière.
Jeudi, des barrages routiers avaient vu jeunes et gendarmes mobiles se livrer une bataille sans merci. Des cocktails Molotov avaient été confectionnés et lancés sur les forces de l’ordre.
Vendredi, à Longoni, la cité portuaire de Mayotte, une fillette de 9 ans a été blessée par un projectile de flash-ball tiré par un gendarme.
Samedi, on a vu des maires mais aussi des élus municipaux et du département rejoindre les cortèges de protestation.
La décision appartient aux mères
Cette révolte reçoit l’appui des locaux étouffés par le coût de la vie. Le département ne produit presque rien. La majorité des produits du quotidien sont importés ; le mabawa (aile de poulet), emblème de la crise, vient d’Europe, de Madagascar ou du Brésil. Le riz ou le lait deviennent des produits de luxe.
Mais vendredi dernier, après une nouvelle réunion entre l’intersyndicale, la grande distribution et le Medef, l’espoir d’une sortie de crise voyait le jour. Le préfet Thomas Degos l’annonçait fièrement : « Nous prévoyons une baisse significative sur 11 produits de première nécessité ».
Mais ici, les décisions se prennent dans la rue. Avant de signer tout accord éventuel, le collectif a pris l’habitude de consulter une partie de la population rassemblée sur la place du marché de Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte. On y trouve les « bouenis », les mères de famille mahoraises, qui ont le pouvoir de décision. Pas convaincues, elles ont rejeté les propositions avancées par les représentants syndicaux.
Un département à l’abandon
Dans ce territoire d’un peu plus de 200.000 habitants, seuls 30.000 personnes travaillent. Ils doivent donc assumer le poids financier de toute la famille. Les personnes âgées vivent avec 150 à 300 euros par mois, les handicapés ont été abandonnés, les chômeurs ne perçoivent aucun allocation. L’illettrisme fait des ravages, 60 % de la population ne parle que le swahili ou le malgache.
Alors, quand les gens ont pu aller voter lors du référendum en 2009, ils ne s’en sont pas privés. Pour beaucoup, devenir un département français était synonyme d’avantages sociaux. On assista donc à un plébiscite à 95 % pour le « oui ». Depuis, seuls 4 revenus sociaux sur les 22 qui existent en métropole sont en place. Le RSA n’arrivera qu’en janvier 2012 et son montant devrait être quatre fois moindre que celui de la métropole.
À quelques mois du scrutin présidentiel, le gouvernement français va sans doute acheter la paix sociale en acceptant certaines exigences des Mahorais. Un écran de fumée pour gagner du temps et quelques voix.
Jonathan Ardines