France. « Les étudiants étrangers ne sont pas responsables de la crise »

 France. « Les étudiants étrangers ne sont pas responsables de la crise »

Organisée par l’AMGE (association des Marocains en grandes écoles)

Hier mardi soir à l’ESCP Europe était organisée une conférence autour de la problématique des étudiants étrangers. Face à un public venu en nombre, les intervenants ont pointé du doigt les incohérences et les mensonges éhontés de la politique menée par le ministère de l’Intérieur.

« Je suis là car je suis très inquiet pour mon avenir ». Comme Amine, Marocain, ils sont une centaine d’étudiants étrangers à avoir fait le déplacement ce mardi soir.  

Organisée par l’AMGE (association des Marocains en grandes écoles), le collectif du 31 mai et l’ATUGE (association des Tunisiens des grandes écoles), la conférence a attiré des étudiants de tous horizons.

Autour de la table, Pierre Aliphat, délégué général de la conférence des grandes écoles (CGE), François Héran, démographe, Lionel Ragot, professeur d’économie et Alexandre George, directeur de Migration conseil. Clarisse Jay, journaliste à la Tribune a été invitée pour modérer le débat.

« Nous sommes en discussion permanente avec les cabinets des ministres pour faire avancer les choses », confie Pierre Aliphat. En partenariat avec le collectif du 31 mai, le CGE a décidé depuis la mise en place de la circulaire Guéant d’envoyer chaque semaine des dossiers au ministère de l’Intérieur.

Dans chaque dossier, une collecte d’informations sur chaque étudiant avec ses diplômes et une promesse d’embauche. « Rien que la semaine dernière, nous avons envoyé 530 dossiers », avance-t-il.

Jusqu’à maintenant sur les 600 à 700 cas traités, 202 ont été solutionnés positivement par le ministère. Mais la méfiance reste de rigueur pour Pierre Aliphat : « D’autres services ministériels nous ont conseillé d’être vigilants face au ministère de l’Intérieur, étonnant quand même ».

« Mariani n’a rien compris »

« En mars, le gouvernement se félicitait de l’action de Campus France, il fallait continuer à accueillir des étrangers ; deux mois plus tard, la circulaire Guéant tombe », s’étonne François Héran.

Très remonté face à un ministre « qui veut tout contrôler », le démographe accuse Claude Guéant de vouloir politiser le sujet. Il présente un document sur l’entrée légale des migrants en France depuis 2005 (200 000/an) et ironise : « Je pense que le ministre a ce document scotché sur son mur. Il y a la migration familiale, estudiantine, du travail ou matrimoniale, et il se dit : « il faut que je m’attaque à chaque catégorie » ».

Parmi les 50 000 étudiants étrangers que la France accueille chaque année, la moitié arrive du Maghreb et ça, « ça doit le déranger », avance-t-il.

Prenant exemple sur le Canada, M. Héran vante les bienfaits d’une immigration de qualité pour le pays d’accueil : « M. Mariani m’avait convoqué pour que je lui explique. Je ne pense pas qu’il ait réussi à comprendre. »

Des chiffres qui mettent à mal le discours de Guéant

« Le ministre nous dit qu’ils viennent juste pour trouver un travail et s’installer dès leur première année, c’est faux », dénonce Lionel Ragot. En effet, une étude démontre que 20 % des étudiants venus d’Afrique restent seulement une année, et que la plupart viennent souvent pour des études longues.

Un autre discours du ministre de l’intérieur est mis à mal, celui qui consiste à dire que les étudiants étrangers viennent piquer le travail des Français. « Encore une fois, c’est une ineptie », lâche Lionel Ragot.

Une étude a suivi les étudiants étrangers entre 2002 et 2009. Sur la totalité, 60 % ne sont plus sur le territoire français. Pour ceux qui sont toujours là, 20 % ont obtenu un titre de séjour familial, 10 % ont eu un changement de statut en devenant des travailleurs (soit entre 6 000 et 6 200 personnes par an) et 10 % étudient encore aujourd’hui.

« Pour le taux de chômage et l’économie en France, ça ne représente rien » souligne le professeur d’économie avant d’approfondir son raisonnement : « Si les préfets font du zèle et suivent la circulaire, il y aura peut être deux fois moins d’étudiants étrangers qui arriveront sur le marché du travail, donc 3000 par an. Cela équivaut à 250 par mois, quand on sait que le nombre de demandeurs d’emplois a augmenté de 34 400 en octobre… ».

Jonathan Ardines