France. Les banlieues montent leur parti

 France. Les banlieues montent leur parti

M. Borloo affirme qu’il y a quatre fois moins de moyens qu’ailleurs. Photo Bertrand Guay / AFP.


Après avoir essuyé de nombreuses déceptions politiques, des habitants issus des quartiers populaires ont décidé de se lancer dans le grand bain en montant leur liste autonome. Hier vendredi soir, à la maison pour tous des Amonts aux Ulis, un débat était organisé sur la question en présence des acteurs de terrain. (Photo AFP)




 


« Personne ne parle des thématiques des quartiers populaires dans cette campagne », déclare Yannick pour ouvrir le débat. À la maison pour tous des Amonts aux Ulis (Essonne), ils sont nombreux à avoir fait le déplacement.


Militants d’un parti, associatifs ou simples citoyens, ils sont venus débattre de la place des représentants des quartiers dans la vie politique future. « Il faut fédérer les gens qui sont concernés par le combat », lance Choukri El Barnoussi qui fait partie de la liste indépendante, « Émergence ».


Saïd Bouamama, sociologue spécialiste de la question des quartiers populaires et militant, situe le contexte : « Jamais les quartiers n’ont connu une telle situation. Aujourd’hui, 4 employeurs sur 5 font preuve de discrimination, et la paupérisation n’a jamais été aussi forte. ». Il s’interroge : « Comment la réalité des quartiers peut arriver en haut du débat ? ».


 


« Il faut s’organiser »


« Si nous n’arrivons pas à créer une vraie organisation dans nos quartiers, nous n’aurons jamais la garantie que nos problématiques seront prises en compte », explique Saïd Bouamama.


Christelle Usson, membre du Front Solidaire des Quartiers Populaires (FSQP) et de l’association des femmes du Franc-Moisin à Saint-Denis, abonde dans ce sens : « Chacun monte sa liste de son côté, il y a un problème d’alliances entre nous. Il faut créer un Front Commun ».


Almamy Kanouté a été un des premiers à y penser. En 2008, lors des élections municipales de Fresnes (Val-de-Marne), il présentait sa liste Fresnes Avenir : « J’en avais marre des petites tapes sur l’épaule, l’air de dire, ‘’t’inquiètes pas, tout va bien se passer’’ », raconte-t-il. « J’ai dit aux hommes politiques que je voulais fédérer tous les quartiers de la ville, ils ont pris peur ».


En deux semaines de campagne où il sera allé discuter avec tous les gens de la ville, sa liste réussit à faire 11,11% lors des élections. « Ce soir-là à la mairie, pour la première fois, les élus m’ont appelé par mon nom de famille », se souvient-il écœuré.


Aujourd’hui conseiller municipal, Almamy n’oublie pas qu’il a « accumulé les frustrations » et ne compte pas s’arrêter là : « Il ne faut pas attendre qu’on s’occupe de nous, il faut aller l’arracher dans les règles ». Voilà pourquoi en 2009, il a décidé de se fédérer avec d’autres autonomes pour créer la liste « Émergence » qui va présenter de nombreux candidats aux législatives.


 


« Trahis par les partis »


« J’en veux aux partis », lâche Almamy, « ils ne m’ont jamais donné les clés pour comprendre la politique. Il faut transmettre pour avoir une future génération totalement autonome dans sa réflexion ».


Danièle Obono, représentante du Front de Gauche, tente de prêcher pour sa paroisse sans se voiler la face : « Il faut reconstruire la gauche dans son intégralité. Cette force doit ressembler au monde dans son ensemble, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ».


Dawany, membre de la liste « Émergences » prend la parole d’un ton sec : « on évoque nos forces et nos faiblesses devant les partis, on se dévoile, ce n’est pas bien ». La méfiance est de mise.


« Financièrement, c’est difficile, médiatiquement, encore plus, mais il faut qu’on réussisse à inverser le rapport de force », rajoute Choukri El Barnoussi. Tous ces militants indépendants ne se sentent pas « représentés par le Front de Gauche ». Le but aujourd’hui est de s’unir pour former une vraie alternative citoyenne face aux partis en place.


« Émergences » a lancé son appel aux 500 candidatures pour les législatives. Un peu partout en France, les gens concernés par les problématiques de terrain ont répondu à cet appel. « Le train est en marche », conclut Almamy.


Jonathan Ardines


 


À venir, un grand dossier dans Le Courrier de l’Atlas du mois de Mai intitulé « Les oubliés de la République ».