France législatives. Un débat enflammé à Montreuil
Hier jeudi s’est tenue à Montreuil (Seine-Saint-Denis) une réunion politique en plein air, devant le restaurant « la Baraka ». Organisé par le collectif Banlieue +, le débat a mis en lumière les divergences entre indépendants et candidats des grands partis et permis de faire émerger des propositions.
« On est à un meeting du PS ? », questionne Choukri El Barnoussi en pointant du doigt une affiche de campagne de Razzy Hammadi placardée juste à côté de la table. Un membre du collectif Banlieue +, à l’origine de la réunion, le rassure et fait un geste pour qu’on vienne décoller l’affiche.
Avec la chaleur estivale de ce début de soirée, les organisateurs ont décidé de sortir tables et chaises pour « respirer un peu ». Derrière, des jeunes font vrombir leurs motos sans prêter attention à ce qui se déroule au pied de leur cité. Après quelques atermoiements, les habitants de la commune commencent à affluer. Une trentaine de personnes prennent place sur les chaises mises à disposition.
Derrière la table, quatre candidats aux élections législatives et un modérateur du collectif Banlieue +. Choukri El Barnoussi, président et candidat de la liste Émergence dans la 5e circonscription des Yvelines. Razzy Hammadi, candidat du Parti Socialiste sur la circonscription de Montreuil-Bagnolet. Ahmed Khelifi de la Nouvelle Union Française (UNF) sur la 12ème circonscription de Seine-Saint-Denis. Enfin, avec un peu de retard, Didier Froget, candidat du Modem sur la première circonscription des Yvelines.
« Un manque de représentativités des musulmans »
Ahmed Khelifi, candidat indépendant et avocat, met tout de suite les pieds dans le plat. Le gros problème pour lui est « le manque de représentativité des musulmans » dans les grandes instances. « On a 1 habitant sur 6 qui est musulman, nous sommes 4 millions d’électeurs arabo-berbères musulmans et nous n’avons pas de représentants. C’est une anomalie qu’il faut corriger ».
Choukri El Barnoussi prend à son tour la parole pour rentrer dans le tas. Pas question pour lui de s’ériger en représentant des « noirs ou des arabes de France », le parti Émergence veut représenter les quartiers populaires dans leur ensemble. Une alternative selon lui au « bi-partisme qui a des effets pervers ».
« Si une association doit faire du sport, très bien, par contre si elle propose une éducation citoyenne, elle n’a plus de subventions. Voilà le clientélisme pratiqué par les élus PS et UMP pour garder leur circonscription depuis 20, 30 ans », lance Choukri.
Razzy Hammadi, candidat PS à domicile, décide de se lever et de prêcher pour sa paroisse. Fier du « travail réalisé aux côtés de François Hollande » durant la campagne, Razzy n’oublie pas son objectif. « Voilà comment je ferai si je suis élu député », lâche-t-il machinalement. « Fier de ses origines », Razzy Hammadi refuse d’être « désigné candidat de la diversité ». Pour répondre à Ahmed Khelifi, il réfute l’idée d’un vote musulman et penche plutôt pour « un vote anti-islamophobie » lors des dernières élections.
« Marre d’être stigmatisée»
Passe d’armes sur le vote des étrangers. Ahmed Khelifi accuse le PS d’en avoir fait une « carotte électorale » qui ne verra le jour qu’après 2015. Razzy Hammadi lui assure le contraire, « François Hollande a parlé de 2013 et s’il n’a pas de majorité à l’assemblée, il passera par un référendum ».
Fatou, une habitante de la commune depuis des années, interpelle les candidats : « J’en ai marre qu’on me stigmatise dans le discours banlieue/immigration. Moi je veux savoir ce que vous allez faire pour tout le monde, concrètement ».
Choukri El Barnoussi propose une solution pour le logement : « Mettre en place la loi de réquisition, si un appartement n’est pas attribué au bout de 3 mois, on le récupère et le loue à ceux qui bénéficient du Dalo (Droit au logement opposable, NDLR) ». Didier Froget du Modem souhaite « rétablir l’ascenseur social » en faisant profiter les plus défavorisés.
Pour lutter contre un chômage qui grimpe jusqu’à 40% dans certains quartiers, Choukri propose d’obliger les « entreprises à embaucher 6% de chômeurs en difficultés ». De son côté, Razzy Hammadi annonce s’« il est élu » l’exonération d’impôts et de cotisation pendant 2 à 3 ans pour toute création d’une nouvelle entreprise. Une annonce qui lui attire les applaudissements du public.
La nuit tombe, les candidats y vont de leur conclusion. À l’écart, les jeunes du quartier ont abandonné les motos et discutent un peu plus loin. Pas concernés pas le débat de ce soir, ils seront pourtant les électeurs de demain, les candidats feraient bien de ne pas l’oublier.
Jonathan Ardines