France. Législatives : duel sous haute tension à Saint-Denis

 France. Législatives : duel sous haute tension à Saint-Denis

Patrick Braouezec (Front de gauche) a décidé de maintenir sa candidature face à Mathieu Hanotin du PS. Photo Jonathan Ardines / LCDA.


Dans la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis, la campagne s’est durcie depuis le premier tour. Arrivé en seconde position derrière le candidat socialiste, Mathieu Hanotin, Patrick Braouezec (Front de gauche), député sortant, a décidé de maintenir sa candidature. Ce vendredi matin sur le marché de Saint-Denis, l’ambiance n’était pas à la franche camaraderie entre les deux camps. Reportage.




 


« On n’a jamais vu ça ! », s’exclame une jeune militante du Front de Gauche qui distribue les tracts de Patrick Braouezec. Des militants socialistes sont venus se coller à eux pour diffuser. Le ton monte vite. « Dégagez de là ! », « Et pourquoi ça ? », « Vous ne pouvez pas allez plus loin ? ». Après quelques minutes de franche empoignade, les socialistes se décalent de quelques mètres.


Depuis lundi et la décision de Patrick Braouezec de se maintenir, l’ambiance est délétère entre les deux camps dans ce bastion communiste. Arrivé en tête sur la circonscription (Saint-Denis, Pierrefitte, Villetaneuse) avec 36,51%, Mathieu Hanotin (PS) pensait avoir la victoire en poche.


Député depuis 1993, Patrick Braouezec, arrivé second avec 31,17%, allait donc devoir laisser la place, conformément à l’accord passé entre le PS, le PC et EELV. Que nenni. Soutenu et encouragé par tous ses militants, le député sortant a décidé de continuer la campagne sans le soutien des instances dirigeantes du parti.


 


« On s’est réveillé un peu tard »


Comme tous les vendredis, il y a foule au marché de Saint-Denis. Après un petit tour entre les étals, deux militants du Front de Gauche apparaissent, tracts à la main. Dès le départ, ils souhaitent remettre les choses à leur place : « Non, ce n’est pas Patrick Braouezec qui a décidé de continuer envers et contre tous, ça s’est décidé en assemblée générale », précise Alain, agacé par ce qu’il a pu lire dans la presse.


À demi-mot, il reconnaît : « On s’est réveillé un peu tard, on pensait que c’était acquis ». Mais n’allez pas lui faire dire que c’est perdu, « on peut l’emporter dimanche », il faut juste « chasser la confusion qui fait croire que voter Hanotin, c’est voter Hollande ».


À l’image de nombreux candidats socialistes, Mathieu Hanotin a choisi de poser avec le président sur son affiche de campagne. En passant devant, certains ont du mal à s’y retrouver : « François Hollande se présente ici ? », nous demande un vieux monsieur.


Un peu plus loin, à la sortie du métro, sous le cinéma, d’autres personnes distribuent des tracts pour le candidat du Front de Gauche. Pas militante, mais déléguée syndicale au conseil général, Sophie rentre dans le tas quand on l’interroge sur le non-désistement de son candidat. « L’an dernier pour les cantonales, Hanotin a soutenu la candidature écolo qui ne s’est pas désistée au second tour ».


Pour elle, le candidat PS n’est qu’un « arriviste qui ne pense qu’à sa place ». Vice-président du conseil général, il ne serait « jamais là » selon ses dires. « Nous, on veut des gens qui vivent ici comme Patrick Braouezec. Même les gens qui tractent pour eux sont des jeunes de l’UNEF vivant dans la capitale ».


Elle nous souffle même que certains seraient « payés » pour diffuser les tracts. Et sur le terrain ? « C’est dur, ils nous traitent de « vieux cons », assurent qu’il faut laisser la place aux jeunes. Ils n’arrêtent pas de venir nous provoquer », affirme Sophie. Pour dimanche, elle préfère rester confiante malgré le retard, « on ne sait jamais… ».


 


« Ils ont tagué nos locaux »


Aucune trace des partisans d’Hanotin. Finalement, on les trouve installés à l’entrée sud du marché, devant un café. Par équipe de 4, ils distribuent les tracts et discutent avec les gens. Leïla, jeune étudiante parisienne, explique qu’elle est venue soutenir « Mathieu car dans mon quartier, le 19e, c’était gagné d’avance ».


Éprouvée, elle regrette le virage qu’a pris la campagne : « On est dans un climat de mensonges créé par l’équipe de Braouezec à l’encontre de Mathieu ». Bien décidée à nous prouver ses dires, elle sort son téléphone portable et nous montre quelques clichés de leurs locaux, tagués de noms d’oiseaux à l’attention du candidat. Un climat détestable, imputable au seul Front de Gauche, assure-t-elle.


« On a terminé devant eux, ils auraient dû se retirer, avec La Rochelle, nous sommes la seule circonscription en France où un cas pareil se produit », avant de lancer, remontée, « on a laissé Marie-Georges Buffet, pourtant on aurait pu l’emporter au second tour ».


Hanotin est critiqué pour son manque d’ancrage sur la circonscription. Leïla répond aussi sec : « Depuis 8 ans, il est sur le terrain, et puis est-ce qu’on doit forcément être né ici pour se présenter ?! ». Et quid de ces « pseudos-bénévoles » qui tractent pour eux ? « Personne n’est payé et la plupart viennent de la commune », coupe-t-elle.


Certaine de la victoire dimanche, « on se demande juste si on va faire 55% ou plus », elle s’inquiète pour l’avenir de la gauche sur la circonscription, « il y a une telle haine entre les deux camps désormais… ».


Quel que soit le résultat de dimanche, cette élection laissera des traces. La gauche locale repartira plus divisée que jamais et la municipale dans deux ans s’annonce déjà brûlante.


Jonathan Ardines