France. Le premier cimetière public musulman va voir le jour
Au sud de la ville, sur un terrain de plus d’un hectare, le premier cimetière musulman de France va bientôt ouvrir ses portes. Un lieu unique qui va permettre à la communauté musulmane de Strasbourg de bénéficier d’un millier de sépultures, avec une extension déjà prévue si nécessaire.
L’intérieur ressemble à première vue à n’importe quel cimetière. Un grand mur d’enceinte, une longue allée centrale, beaucoup de verdure et un joli bassin décoratif. Sauf qu’ici, tout est fait pour que les familles puissent respecter les rites musulmans lors de l’inhumation de leurs proches.
Les sépultures sont orientées vers la Mecque. À l’entrée, un petit bâtiment renferme plusieurs salles équipées pour faire ses ablutions. Un espace couvert à été installé pour permettre aux familles de prier.
Une première en France. Pendant des années, seul le cimetière musulman privé de Bobigny, créé en 1930, existait. Mais il a récemment changé de statut en devenant le carré musulman du cimetière communal.
La loi de séparation entre l’Eglise et l’État de 1905 réaffirme dans son article 28 qu’il est « interdit, à l’avenir, d’élever ou d’opposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics (…) à l’exception des terrains de sépulture dans les cimetières ».
Dans le droit français, seules les tombes et les monuments funéraires peuvent afficher la religion du défunt, mais pas les parties communes du cimetière.
Sauf qu’en Alsace-Moselle, cette loi ne s’applique pas et les pouvoirs publics peuvent intervenir dans l’organisation et le financement des lieux de cultes. L’Allemagne avait maintenu ce régime en 1870, les autorités françaises n’y ont pas touché après 1918.
Une réponse à la saturation
Cette ville de 300 000 habitants accueillait déjà huit carrés musulmans dans les cimetières publics. Mais depuis de nombreuses années, ils étaient arrivés à saturation.
Les familles étaient contraintes de faire rapatrier le corps des défunts dans leur pays d’origine, procédure pas toujours facile, explique Driss Ayachour, président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) : « À la douleur du décès d’un proche s’ajoute alors celle de la paperasse administrative à remplir, puis du déchirement face à l’éloignement ».
Désormais les familles pourront aller se recueillir sur les tombes de leurs proches sans avoir à effectuer un long voyage. Pour Driss, « c’est un signal fort pour la nouvelle génération de musulmans, qui leur montre que la collectivité répond à leur besoins ».
En attendant que les deux grands voisins Mulhouse et Colmar se décident à en faire autant, la municipalité savoure. Pour Anne-Pernelle Richardot, adjointe au maire (PS) de la ville, « le culte musulman n’est pas dans le Concordat, mais on essaie de le mettre au même niveau grâce au droit local ».
L’initiative est saluée par les associations musulmanes et par une communauté trop souvent stigmatisée ces derniers mois. Saïd Aalla, président de la Grande Mosquée de Strasbourg se réjouit pour tous les musulmans : « Aujourd’hui, on a une communauté qui s’installe définitivement sur le territoire, qui souhaite enterrer ses proches en France et non plus à des milliers de kilomètres de là ».
« C’est le geste ultime d’une bonne intégration, cela montre qu’on appartient au pays où l’on vit », conclut-il.
Jonathan Ardines