France. La première assurance-vie « charia compatible »
La Compagnie française de conseil et d’investissement (CFCI) va distribuer pour la toute première fois en France une assurance-vie « charia compatible ». L’objectif annoncé, offrir aux musulmans une épargne conforme à leurs convictions religieuses.
Voilà une nouvelle qui va faire du bruit. Alors que le halal fait la une de l’actualité depuis plusieurs semaines, voilà l’assurance-vie « halal » qui débarque sur le marché, imaginée et conçue par Anouar Hassoune, directeur de la Sicav et ancien vice-président de Moddy’s Investors Service où il s’occupait de la notation financière des banques islamiques. Ce contrat d’assurance-vie nommé « charia compatible » différera un peu du contrat classique.
Il sera plus risqué que les autres portefeuilles qui contiennent beaucoup d’obligations d’État. Par contre, selon Anouar Hassoune, son rendement sera meilleur avec 5 à 7% par an attendu sur le long terme (au moins 15 à 20 ans d’investissement).
Toute la clientèle sera démarchée soit par téléphone soit en face à face. La mise de départ minimum sera au minimum de 100 euros. L’argent récolté sera investi à 85% sur des fonds actions et non dans des obligations classiques comme on pourrait le trouver ailleurs. La loi islamique interdit la rémunération par des taux d’intérêt. Tout le reste de l’argent sera donc investi par la Sicav basée au Luxembourg sur des fonds monétaires ou des fonds obligatoires islamiques.
Pas d’investissement dans des secteurs interdits
Le directeur du groupe le promet, les investissements seront éthiques. « Les souscripteurs et les propriétaires du fonds seront copropriétaires en actions des entreprises dans lesquelles ils investiront. Le fonds ne s’endettera pas non plus pour augmenter sa performance et n’utilisera pas de produits dérivés. Il n’utilisera pas la technique de la vente à découvert, à savoir spéculer à la baisse sur un titre. Enfin, les sociétés devront produire des rendements industriels, et non pas financiers », promet Anouar Hassoune.
Pour le reste ça sera du classique. Comme tous les autres produits de finance islamique, le respect des règles sera assuré par un « sharia board ». Le Cifie (Comité indépendant de la finance islamique) validera ou non par une fatwa la conformité d’un produit avec les valeurs islamiques. Ce comité sera surtout chargé de vérifier scrupuleusement qu’aucun investissement ne soit fait dans des secteurs « haram » comme l’armement, le tabac, l’alcool, les jeux d’argent….
« On s’attend à une levée de boucliers »
Il faudra attendre la fin du mois de mars ou début avril pour pouvoir souscrire. Anouar Hassoune attend de recevoir l’approbation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de son équivalent au Luxembourg. Le lancement officiel risque donc d’arriver en pleine campagne présidentielle. On imagine déjà les réactions de Marine Le Pen ou Nicolas Sarkozy qui ne devraient pas passer à côté.
Anouar Hassoune le promet, il ne compte pas se faire de la publicité à leurs dépends. Il s’attend plutôt à se faire attaquer de toute part, « Cela fait dix ans que je travaille dans la finance islamique. Comme d’habitude, on s’attend à une levée de boucliers de la part de tous ceux qui considèrent que la finance islamique est un cheval de Troie du salafisme saoudien en France et qu’elle n’a pas le droit de cité dans une République laïque ».
Il a déjà préparé son texte pour se défendre : « J’ai envie de rétorquer que la laïcité est un concept de droit public, absolument pas un concept de droit privé. Autant que je sache, la décision de souscription d’un client à un contrat d’assurance-vie relève du strict domaine privé. L’éthique religieuse a parfaitement droit de cité en économie, quand bien même elle n’aurait pas le droit de cité sur la place publique. Je ne vois pas pourquoi un boucher pourrait commercialiser de la viande halal et pourquoi un distributeur de contrat d’assurance-vie ne pourrait pas proposer un produit halal ».
Anouar Hassoune garde des objectifs modestes pour l’instant. Il table sur 2 millions d’euros en souscriptions d’assurance-vie d’ici l’été, puis un peu moins de 15 millions d’euros d’ici la fin de l’année. Ensuite, il espère pouvoir passer la barre des 30 à 40 millions d’euros d’épargne halal.
Jonathan Ardines