France. La loi sur le principe de laïcité dans les crèches adoptée au Sénat
La proposition de loi des radicaux de gauche sur le principe de laïcité dans les crèches, les centres de loisirs et chez les assistantes maternelles a été adoptée par le Sénat. Un texte qui divise et qui inquiète.
« Les parents peuvent vouloir une nounou qui soit « neutre » sur le plan religieux », voilà ce qu’explique Mme Laborde (RDSE) à propos du texte qu’elle a proposé et qui a été adopté au Sénat.
La majorité de gauche a d’ailleurs été divisée sur la question. Beaucoup ont jugé ce texte « grotesque », affirmant qu’il allait à l’encontre des principes de laïcité. Le groupe écologiste et CRC (communistes) a voté contre, tout comme le sénateur PS René Vandierendonck.
Mais la charge la plus virulente contre cette proposition de loi est venue de la sénatrice Europe Ecologie les Verts, Esther Benbassa. Pour elle, ce projet de loi qui « étend l’obligation de neutralité aux assistantes maternelles dans le cadre de leur activité d’accueil à leur domicile, est une intrusion de l’Etat dans la sphère privée ».
Derrière, Isabelle Pasquet (CRC) a abondé dans ce sens, « Cet article implique un fort degré d’ingérence dans la vie privée des assistants maternelles, qui ne se justifie pas ».
Face aux critiques, Mme Laborde a défendu bec et ongles son texte : « Nous avons tout à gagner à réinvestir le champ de la laïcité ; il ne doit pas être laissé en jachère ».
Loi anti-musulmans ?
Devant le Sénat, une dizaine de personnes dont de nombreuses femmes voilées ont manifesté dénonçant « l’islamophobie » supposée de cette proposition de loi.
Alain Richard (PS) préfère prôner l’accalmie. Pour lui, ce texte n’est pas discriminatoire : «Si l’assistante maternelle est voilée, les parents seront tout de suite informés de ses croyances. Ce texte institue une règle d’information, il ne crée aucune sorte de limitation».
Pas de « limitation » mais peut-être de la discrimination dans cette proposition ? C’est le sentiment du collectif Mamans Toutes Egales (MTE) qui a dénoncé hier mercredi « une loi d’exclusion insupportable ». Pour le collectif, le texte « interdit certaines professions à une catégorie de citoyennes, en raison de leur appartenance religieuse ».
Pour eux, pas de doutes, on s’en prend encore une fois aux mêmes : « La loi vise une catégorie de la population et une seule, les citoyennes musulmanes, confrontées à une véritable chasse aux sorcières visant à les exclure de l’espace public, social, et allant jusqu’à les contrôler dans le privé. »
De son côté, Mohamed Moussaoui, président du Conseil Français du Culte Musulman n’a pas tardé à réagir. Par le biais d’un communiqué, il a déclaré prendre « acte du vote » précisant que « cette proposition introduit, de ce fait, une modification majeure dans l’un des fondements de la République qu’est le principe de laïcité et se met en contradiction avec les grands textes nationaux comme la déclaration des droits de l’homme ».
Pour lui, cette proposition de loi « constitue une violation du droit privé », il met en garde les partis politiques : « Le CFCM souligne la gravité de la situation créée par cette proposition de loi qui risque de susciter trouble et interrogations ».
Une aide financière publique qui pèse lourd
Cette proposition, adoptée par le PS et le RCDE doit maintenant être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Si elle venait à être définitivement approuvée, les crèches bénéficiant d’une aide financière publique devront « être soumises à une obligation de neutralité en matière religieuse ». Tous les salariés auront l’obligation de « s’abstenir de toute manifestation ostensible d’appartenance religieuse (tenues, représentations, symboles, discours, prières…).
Par contre, les crèches ne bénéficiant pas de ces aides auront le choix. Elles décideront « d’apporter si elles le souhaitent, certaines restrictions à la manifestation de convictions religieuses de leurs salariés qui figureraient dans le règlement intérieur ». Cela avait été le cas de la crèche privée Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) qui avait fait jurisprudence en obtenant l’aval de la justice pour avoir licencié une employée voilée.
Cette proposition de loi n’a pas fini de faire parler. À quelques mois de l’élection présidentielle, la gauche prend des risques en se réappropriant un thème cher à l’UMP. Une partie de la population musulmane de France, qui a toujours été un réservoir de voix important pour le PS, pourrait se détourner d’un parti qui donne l’impression d’orchestrer une véritable »chasse au voile ».
Jonathan Ardines